"Les assureurs jouent la montre" : à Marseille, les sinistrés de Tivoli bataillent pour être indemnisés

Cinq mois après l’effondrement des immeubles rue de Tivoli (5e) dans lequel huit personnes sont mortes, les victimes de l’explosion se lancent, seules, dans l’âpre bataille des assurances à défaut d’un accord-cadre pourtant annoncé

L’été passé à respirer n’aura pas suffi. Septembre s’est vite rappelé à ces quelque 300 riverains touchés par le drame du 9 avril. Parmi eux, plus d’une cinquantaine de familles de la zone rouge dénonçaient des vols commis dans les immeubles inhabités et sur le terrain municipal où était stocké le reste de leurs affaires (notre édition du vendredi 6 septembre) resté sans gardien durant le mois d’août. Depuis, la Ville s’est excusée en reconnaissant "une faute". "Mais cela ne nous les rendra pas", pose Roland Bellessa, du Collectif Tivoli 9 avril. Il a demandé des photos prises aux lendemains de l’explosion. "On sait qu’elles sont en possession du juge d’instruction, on aimerait comparer pour peut-être envisager un recours." Une goutte d’eau dans l’océan. Il le sait. Car devant lui, propriétaire d’un appartement au numéro 15 et ses voisins, s’amorce une autre bataille. Financière. Comment chiffrer les pertes ? Les séquelles ? Comment s’équiper, se reloger, reconstruire son appartement ? Quelle valeur est accordée aux souvenirs ? Toutes ces questions devraient se retrouver au coeur de négociations entre les assureurs et les coordonnateurs, nommés en juillet, à l’issue desquelles un accord-cadre d’indemnisation devrait être établi. Mais rien n’avance. Alors, pour les familles c’est la débrouille. Et les dépenses. "Sur les 52 ménages de la zone rouge, cinq ont été relogés temporairement par la Ville, quatre relogés définitivement et 43 de manière temporaire par leurs soins", déroule le maire de secteur, Didier Jau (EELV).

"Les assureurs jouent la montre"
Il a fallu ensuite toquer à la porte des assureurs pour les indemnités de relogement et pour le reste. "Mon assurance m’a généreusement versé 150 euros pour une valise d’urgence pour une famille de quatre...", lâche Roland, qui n’en est pas à une incongruité près. Du côté des aides financières, 124 000 euros ont été distribués via le CCAS par la Ville, "sur la base d’un barème forfaitaire, allant de 1000 à 5 000 euros par famille", précise Didier Jau. Quant à l’enveloppe de 100 000 euros votée par le Département en juin dernier pour les sinistrés, ils sont toujours "disponibles" dixit la collectivité, qui remarque qu’à ce jour "seuls trois dossiers ont été déposés auprès des Maisons départementales de la solidarité pour un montant de 900 euros" et que "la Ville n’a fait part d’aucune demande". À cela s’est ajoutée également une collecte de 10 400 euros organisée par l’association des parents de l’école Abbé de l’Épée. Un geste de solidarité qui réchauffe les coeurs. Mais pour envisager l’après, de longues colonnes de chiffres sont nécessaires. "Je comprends la solitude des sinistrés et leur épuisement. Les assureurs jouent la montre et profitent de cette lenteur pour faire une stricte application des contrats", dénonce Sophia Seco, directrice de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs). Avec son expertise de l’explosion de la rue Trévise, à Paris en 2019, elle a assisté au premier comité local d’aide aux victimes à Marseille. "J’ai tout de suite compris que sans impulsion politique forte, il n’y aura aucune avancée. Les coordonnateurs sont aux abonnés absents et personne ne veut s’exposer face aux assureurs", regrette-t-elle. Les victimes de la rue Trévise ont dû attendre trois ans pour que soit validé un accord et quatre ans pour que les premières victimes soient indemnisées. "À Marseille comme ailleurs la charité n’a pas sa place. En France, les victimes ont des droits, il faut une voix forte qui contraint les assureurs. Celle du garde des Sceaux ou de la Première ministre par exemple."

L’article est rédigé par Christelle Carmona pour laProvence.

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