Trois mois après le crash du vol AF 447, les proches des victimes se réunissent en association pour suivre l’enquête. Les recherches des boîtes noires reprendront à l’automne.
Ils sont une dizaine, venus de partout en France, réunis au calme d’un local parisien. Françoise, Danielle, Philippe, Jean-Baptiste et les autres ont tous perdu un être cher, parfois plusieurs, dans l’accident du Rio-Paris. « Ma fille et mon gendre. Ils avaient 28 et 34 ans », murmure Françoise. « Mon fils », « mon frère », « mon compagnon », « ma belle-fille », égrènent-ils.
Aucun ne tient à ce que son nom apparaisse. Ce qu’ils entendent mettre en avant, trois mois après le drame, est leur volonté de créer une association des familles de victimes. « Devant l’horreur, devant l’absurde, nous voulons essayer de fabriquer du sens avec d’autres », explique cette maman.
Le 12 septembre, ce groupe organise à Paris une assemblée générale. « Depuis le 1 e r juin, nous avons une seconde famille, explique Philippe. A vie, nous aurons quelque chose en commun. » L’idée d’association est venue au fur et à mesure que se multipliaient leurs échanges. Ils ont alors écrit aux autres familles, préparé des statuts et trouvé un nom à proposer : Entraide et Solidarité.
« L’appréhension, on l’aura toujours »
En tête de leurs priorités figure la participation à l’organisation du déplacement commémoratif au Brésil. Proposé par le gouvernement, en cours de discussion avec Air France, l’événement pourrait se dérouler en octobre ou en novembre. « A titre personnel, je tiens à y aller. Mais on n’aura pas tous le même ressenti », souligne Jean-Baptiste. « Moi, je ne le souhaite pas, confirme ce frère d’un disparu. Non pas parce que j’ai peur, mais je n’ai plus du tout confiance dans nos avions actuels. »
« L’appréhension, on l’aura toujours », glisse Philippe, contraint par son métier à de fréquents déplacements en avion. En aparté, il confie s’être retrouvé, quinze jours après le crash, pleurant sur son siège d’un vol Paris-Varsovie. Lui souhaite se rendre à Rio, rencontrer la guide qui avait conduit son frère dans les rues de la capitale brésilienne. « Elle est sans doute l’une des dernières personnes à l’avoir vu vivant. »
Le suivi de l’enquête constitue un autre élément essentiel à leurs yeux. Dès hier, le groupe a écrit au Bureau d’enquêtes et d’analyses. « Nous voulons être associés à la troisième phase des recherches », explique Jean-Baptiste. Plus tard, ils savent que l’association aura peut-être à désigner un avocat, voire à financer des expertises indépendantes. L’accompagnement de la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs (Fenvac), qui regroupe les proches de 60 catastrophes, leur a permis de mieux comprendre « qui faisait quoi » et d’envisager ces démarches à long terme. « Lorsqu’on est projeté dans un tel drame, il faut apprendre à gérer le temps. », explique son secrétaire général, Stéphane Gicquel.
« Connaître la vérité » figure bien sûr parmi leurs objectifs. Mais nulle colère n’anime leurs propos. « Je ne crois pas que l’on puisse exiger des réponses qui n’existent pas », souligne Françoise. Au quotidien, chacun puise, dans ce groupe, la force d’assumer les « tracasseries administratives et financières » qu’évoque par exemple Danielle. Elle souligne : « Derrière ces vies éteintes, ce sont des projets de vie qui se sont brisés. Avec un sentiment d’injustice qui jamais ne sera réparable. »
Pascale EGRE, Leparisien.fr le 1er septembre.