Les remous du Joola touchent le gouvernement

Au lendemain du naufrage du navire Le Joola, un certain nombre de mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre des personnalités politiques et militaires impliquées dans la gestion du bateau. Des sanctions administratives engagées par le président de la République que nombre de parents de victimes considèrent aujourd’hui, comme ayant favorisé l’impunité. Ils préfèrent toujours des poursuites judiciaires malgré les indemnisations à l’amiable.

Désemparé à l’annonce de la catastrophe, comme tous les Sénégalais, le Président brandit le bâton. Maître Abdoulaye déclare le 28 septembre 2002, deux jours après le naufrage, qu’un cumul de fautes graves est à l’origine du drame et somme le ministre de l’Equipement et des Transports, Youssouf Sakho, de produire immédiatement un rapport sur les circonstances du naufrage. Le chef de l’Etat engage la responsabilité de l’Etat et décide d’indemniser les familles des victimes et les rescapés. Les premiers accusés de négligences coupables n’ont pas tardé à réagir.

Dès le premier octobre, le ministre Youssouf Sakho et son homologue des Forces armées rendent le tablier. Le portefeuille militaire revient provisoirement au Premier ministre et celui des Transports et Equipement est confié au chef du département des Mines, Macky Sall. Le locataire de l’avenue Léopold Sédar Senghor appelle les Sénégalais à une introspection, et promet des sanctions. Des mesures interdisant les surcharges dans le transports en commun se multiplient.

C’est la Marine qui passe en premier à la guillotine car, le 14 octobre 2002, le chef d’Etat-major de la Marine nationale, le colonel Ousseynou Kombo est relevé de ses fonctions. La décision est loin de soulager une association de familles de victimes, qui porte plainte contre l’Etat le 22 octobre suivant. Effet stimulant ou pas, Wade limoge son Premier ministre Mame Madior Boye, le 04 novembre 2002, pour la remplacer par son directeur de Cabinet, Idrissa Seck. Visiblement affecté par le tollé d’indignation et d’implication populaires du gouvernement, Wade réitère, lors de son discours de fin d’année 2002, sa détermination à faire payer les responsables du naufrage et à indemniser les victimes.

Pendant ce temps, son tout nouveau PM prépare sa feuille de route. Au cours de sa Déclaration de politique générale du 03 février 2003, Idrissa Seck annonce l’arrivée imminente d’un nouveau bateau. Mais le nouvel homme de confiance du Président frustre, durant le fameux séminaire gouvernemental de Ziguinchor, du 18 juillet 2003, quand il déclare que le renflouement du bateau, tant réclamé par les parents de naufragés, est hors de question. « Elle restera une sanctuaire », avait-il soutenu, parlant de l’épave. Par contre, il promet la mise en service de deux navires pour assurer la desserte Dakar-Ziguinchor avant la prochaine date de l’anniversaire. M. Seck fixe l’indemnisation à 5 millions de francs Cfa par victime. Un montant jugé dérisoire et agaçant par les associations des victimes, qui en appellent au président de la République. Abdoulaye Wade n’hésite guère à doubler l’enveloppe.

Contre toute attente, le procureur de la cour d’Appel de Dakar classe sans suite la plainte déposée par les familles. C’était le 7 août 2003. En arguant que l’unique coupable présumé, en l’occurrence le commandant du bateau, Issa Diarra, est mort. Dix jours après, un décret présidentiel frappe lourdement les Forces armées sénégalaises. Le chef d’Etat-major général, Babacar Gaye, est démis de ses fonctions, en compagnie de six autres officiers. Il s’agit du chef d’Etat-major de l’armée de l’air, le colonel Meissa Tamba, des marins de permanence durant la nuit du naufrage et du directeur de la Marine marchande, Abdoul Hamid Diop.

Néanmoins, le vent de l’oubli semble souffler jusqu’au 24 juillet 2006, quand l’un des avocats des victimes, Me Pape Khaly Niang, fait état d’un mandat d’arrêt international lancé en France contre les responsables sénégalais impliqués dans le naufrage du Joola. Le juge français d’Evry adresse une note au parquet 48h après le cinquième anniversaire du naufrage, un document qui affirme que le drame du bateau tient à des causes aussi bien techniques que politiques. Un an auparavant, Nassardine Aïdara et l’association des victimes avaient brandi la menace d’une plainte en France. Accompagné par le ministre de la Jeunesse Mamadou Lamine Keita, en visite dans la capitale du Sud lors de la célébration de l’an 5 de cette catastrophe maritime, le ministre des Forces armées Bécaye Diop clame que 1370 dossiers d’indemnisation ont été réglés. Au même moment, l’archevêque de Dakar, le cardinal Théodore Adrien Sarr interpelle les Sénégalais sur le respect d’un devoir de mémoire à l’endroit de cet accident maritime, le plus grand que l’humanité ait jamais connu.

Le Quotidien (Sénégal), Birame FAYE, 26-09-2008


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes