LES VOIX DES PILOTES DU RIO-PARIS ENTENDUES A HUIS CLOS

Demandée par les parties civiles au procès du vol Rio-Paris, la diffusion de l’enregistrement sonore des boîtes noires a été un moment fort pour les proches des 228 victimes.

L’enregistrement sonore des boîtes noires du vol Rio-Paris, qui s’est abîmé en mer en 2009 causant la mort de 228 personnes, a été diffusé lundi à huis clos au procès d’Airbus et d’Air France, un moment extrêmement fort pour les proches des victimes.

« On a entendu des voix d’outre-tombe », a déclaré Me Alain Jakubowicz, l’un des avocats de l’association Entraide et Solidarité AF447. « C’était un moment terrifiant, parce qu’on entend ces pilotes qui à plusieurs reprises (disent) ‘‘on a tout tenté’’, ils ne comprennent pas ce qui est en train d’arriver ». Les quatre dernières minutes du Cockpit voice recorder (CVR), qui mémorise la voix des pilotes et les bruits du cockpit, ont été diffusées sans la presse ni le public.

Seuls étaient autorisés à entrer dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Paris les magistrats, greffiers et avocats, les parties civiles et les équipes des prévenus. Tous ont dû éteindre leur téléphone et le mettre dans un sachet en plastique afin d’éviter toute divulgation ultérieure de l’enregistrement. Cette diffusion était demandée par les parties civiles qui estimaient qu’entendre la voix des pilotes était « absolument indispensable » pour la « recherche de la vérité ».

« Fauchés par la mort »

Me Alain Jakubowicz a précisé que du côté de la cabine, là où étaient installés les passagers, alors qu’« on avait tous à l’esprit un scénario d’épouvante, à la façon de ces films de Hollywood », « ce n’est pas ce qui s’est produit ». « Pour les familles des victimes c’est vraiment très important. Beaucoup de gens dormaient, ils ont été fauchés par la mort », a-t-il ajouté. Devant la salle, des parties civiles étaient sonnées et émues.

« J’appréhendais ce moment et il est encore plus fort que ce que je pouvais imaginer », a réagi Corinne Soulas, dont la fille est décédée dans l’accident : « les pilotes étaient perdus, ils ne savaient pas ce qui leur arrivait, ils étaient dans l’incompréhension totale ».

Ophélie Toulliou, qui a perdu son frère, a dit avoir entendu trois pilotes « qui ont fait face à une situation qu’ils ne comprenaient pas et qui les a complètement dépassés, des gens qui ont fait preuve d’un sang-froid extraordinaire et qu’on entend se battre jusqu’au bout ».

« Sidération »

« L’audition de l’enregistreur de vol était un moment extrêmement fort pour toutes les personnes présentes », a déclaré un porte-parole d’Airbus. « Nous nous associons à la souffrance des proches des pilotes et des victimes qui a été ravivée par l’écoute de cet enregistrement ».

Cette nuit-là, en haute altitude, les pilotes de l’A330 ont été surpris par le givrage des sondes Pitot qui servent à mesurer la vitesse de l’avion, entraînant la déconnexion soudaine du pilote automatique. Ils n’ont pu rattraper le décrochage de l’appareil.

Lundi matin, le tribunal a visionné deux vidéos d’Airbus, dont une décrivant les manœuvres qu’auraient dû adopter les pilotes pour récupérer la situation – des vidéos brocardées par les parties civiles comme étant dignes d’un « monde idéal » et non de la « réalité ».

Airbus réfute toute faute pénale

Dans l’après-midi, la défense du constructeur, qui réfute toute faute pénale, a questionné les experts du premier collège mandaté pendant l’instruction, sur les règles de pilotage, l’attitude de l’équipage face à la situation météo, le fait que le copilote « le moins expérimenté » ait été aux commandes… « Est-ce que, pour vous, l’équipage a identifié la panne ? » a notamment demandé Me Simon Ndiaye.

Les pilotes avaient été formés à une procédure dans le cas où les vitesses n’étaient pas « cohérentes entre elles » ; or, cette fois, il n’y avait « plus de vitesse du tout », a expliqué l’expert. « Il y a eu une forme de sidération parce que les éléments qu’ils avaient ne correspondaient pas à l’image mentale » de ce qu’ils avaient appris, a-t-il décrit.

La résistance à l’effet de surprise fait-elle partie des critères de recrutement des pilotes ? a questionné le second conseil d’Airbus. « Chez les militaires oui, mais pas chez les pilotes civils », a répondu l’expert. Pour ces derniers, « le critère fondamental, c’est le respect des procédures ».

(AFP)

Crédit photos : Article par AFP et lematin.ch 17/10/22

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