Le Franco-Algérien de 27 ans comparaissait mercredi devant les juges du tribunal correctionnel de Paris.
Mohamed Belhoucine, Franco-Algérien de 27 ans, a raconté mercredi devant les juges du tribunal correctionnel de Parisl’itinéraire d’un cyber-djihadiste, passé à cause de ses activités sur Internet d’une chambre d’étudiant à une cellule de prison. Rentrée 2007 : le jeune Mohamed, bon élève, issu d’une fratrie de quatre installée à Bondy (Seine-Saint-Denis), réussit le difficile concours d’entrée à l’école des mines d’Albi. "Le premier de la famille à faire des études d’ingénieur", dit à la barre de la 16e chambre ce jeune homme svelte à la courte barbiche. "J’étais leur fierté." Mais l’étudiant, éloigné des siens pour la première fois, s’intègre mal dans son nouvel environnement, ne se fait pas d’amis, s’isole, déprime. Ses résultats s’en ressentent. "Je suis musulman, mais je n’ai jamais été pratiquant, je n’avais pas de repères. Parce que j’étais mal, je me suis tourné vers la religion, mais je n’y connaissais rien. Au début, on se moquait de mon ignorance dans les forums."
Il passe des heures à lire, se connecte sur des sites de discussion et découvre l’islam radical, qui fait l’éloge du djihad armé enAfghanistan et en Irak. "Après quelques mois, j’ai commencé à poster des vidéos, à intervenir sur des forums, pour me faire remarquer dans ce milieu", dit-il. "À partir de là, ça va très vite." Il se persuade que "tout ce qui est dit sur le djihad dans les médias est faux" et s’assigne pour mission de traduire en français et de poster, essentiellement sur le site de vidéos en ligne Dailymotion, des films de propagande djihadistes, produits notamment par As Sabab, organe médiatique du réseau al-Qaida.
"Partir moi-même ? Jamais, monsieur le président"
Il crée pour cela l’adresse courriel "oussama911" ("Oui, monsieur le président, en référence à Oussama ben Laden", répond-il à une question du président Denis Couhé), sous le pseudonyme Sayf-ul-islam Muhamed Abu Oussama ("Muhamad l’épée de l’islam père d’Oussama"). Sur un forum djihadiste, il rencontre virtuellement d’abord, en chair et en os ensuite, le membre d’un groupe radical basé à Bobigny. Pendant les vacances d’été, il fait grâce à lui la connaissance des membres du groupe, dont six partiront plus tard pour la zone pakistano-afghane (trois y périront). "Partir moi-même ? Jamais, monsieur le président. J’en avais seulement l’idée, mais je n’ai jamais rien fait pour. C’était de l’ordre de l’imaginaire. Sur cent partisans du djihad sur Internet, au final il y en aura cinq qui partiront combattre, même si à un moment tous disent être prêts à le faire."
Opérant depuis son école à Albi ou depuis chez ses parents après avoir abandonné ses études en 3e année, Mohamed Belhoucine est facilement repéré, grâce à l’adresse IP de son ordinateur, par les services antiterroristes qui le placent, ainsi que ses contacts, sous surveillance. Ils interceptent notamment des messages provenant du Pakistan ou d’Afghanistan dans lesquels les djihadistes membres du groupe de Bobigny réclament de l’argent. "Je n’ai fait que transmettre ces messages, je n’ai jamais envoyé d’argent", assure-t-il, ce que confirme l’enquête. "Puis je me suis peu à peu rendu compte que j’avais été instrumentalisé", dit-il. "Tout cela, ce n’étaient que de belles paroles, qui avaient plus à voir avec des enjeux géopolitiques qu’avec la religion."
Mohamed Belhoucine se marie, sa femme attend un fils, il se détache peu à peu du groupe, répond de moins en moins à leurs messages, ne collecte pas d’argent en leur faveur, est embauché pour faire du soutien scolaire par la mairie d’Aulnay-sous-Bois. Jusqu’au matin de mai 2010 où la police frappe à sa porte.
Reuters, 25.06.2014, LePoint.fr