Nigeria : le père Georges dément avoir été libéré par « compassion »

Libéré officiellement par « compassion » après 45 jours de détention dans la brousse et sans qu’aucune rançon n’ait été payée, le père Georges Vandenbeusch, 42 ans, s’est dit chanceux à sa descente d’avion, mercredi matin sur l’aéroport de Villacoublay, près de Paris, où l’attendaient François Hollande et quelques proches de Nanterre, son diocèse.

« Je mesure bien la chance que j’ai, a-t-il déclaré. Il y a des otages qui sont restés terriblement longtemps. »
Souriant, apparemment en forme, le prêtre avait rasé sa barbe, depuis les premières images diffusées la veille à Yaoundé au Cameroun, quelques heures après son retour à la liberté. Sur le tarmac de Villacoublay, il a livré quelques détails sur sa captivité : « Un mois et demi sous un arbre, a-t-il précisé. Sept semaines, ça fait beaucoup d’heures, quand on est otage et qu’on n’a rien à faire, rien à lire, personne à qui parler. » Bref, « l’ennui terrible, la tristesse et la colère », a-t-il poursuivi, tout en soulignant ne pas avoir été maltraité par ses geôliers.
L’ex-otage a confirmé avoir été détenu au Nigeria par des membres du groupe islamiste Boko Haram, dans une zone frappée depuis Noël par « des bombardements ». Il n’a appris que lundi qu’il allait être relâché vingt-quatre heures après. « C’est un jour heureux que de retrouver notre compatriote », s’est félicité François Hollande, en saluant « le courage, la lucidité et l’abnégation » de l’ex-otage, qui s’était installé en 2011 dans le nord du Cameroun. Le père Vandenbeusch et François Hollande ont fait chorus pour remercier Paul Biya, le président du Cameroun, qui a visiblement joué un rôle déterminant dans le dénouement de cette prise d’otage.

« Ils n’ont de compassion pour personne »
Une source sécuritaire camerounaise a indiqué à l’AFP qu’un prisonnier de Boko Haram détenu au Cameroun avait été relâché en contrepartie de la libération du prêtre. Ce qu’a reconnu à demi-mot Laurent Fabius, le chef de la diplomatie, en évoquant « des discussions » sur « des aspects judiciaires » dans lesquelles « le président Biya a été extrêmement utile et efficace ». Reste à savoir ce qu’a arraché de Paris l’inamovible chef de l’État camerounais. En avril dernier, Paul Biya avait déjà engrangé des remerciements appuyés de la France, après la libération des sept otages, dont quatre enfants, de la famille Moulin-Fournier, après deux mois de séquestration par Boko Haram. Là encore, la médiation du numéro un camerounais avait rapidement porté ses fruits.
Mercredi, une source liée à Boko Haram a assuré que « la direction (du groupe) avait décidé de libérer le prêtre par compassion », selon des propos rapportés par l’AFP. « Le prêtre a offert ses services médicaux à des membres (du groupe) malades pendant sa période de captivité, a fait valoir Boko Haram. La direction a ressenti qu’il n’y avait plus besoin de le garder. » Ce qu’a démenti l’ex-otage mercredi soir, au journal de 20 heures de France 2. « Je ne suis ni infirmier ni médecin. S’ils m’avaient amené quelqu’un à soigner avec une hémorragie j’aurais fait ce que je pouvais, mais ils ne l’ont pas fait. Ils n’ont de compassion pour personne », a confié le père Vandenbeusch, capturé selon lui en tant qu’« Occidental ». « Ils croyaient que j’étais enseignant ou docteur, ils ont compris un peu après, en me voyant prier ».

Lire de nouveau la Bible

Peu crédibles, les éléments de langage de Boko Haram visaient surtout à masquer la réalité du troc qui a permis au curé français de recouvrer la liberté. Officiellement toujours, Boko Haram avait expliqué que la France avait refusé de verser la rançon exigée par le groupe islamiste via le Cameroun, Paris demandant plutôt qu’il soit libéré pour des motifs humanitaires, en raison de son statut de prêtre. La France a pour position officielle de ne pas verser de rançon aux ravisseurs présumés de ses ressortissants à travers le monde. Mais on n’a rarement vu des libérations sans contrepartie, encore moins par « compassion ». Après un rapide examen médical à l’hôpital du Val-de-Grâce, Georges Vandenbeusch s’est aussitôt rendu à l’évêché de Nanterre, où les cloches avaient sonné dès l’annonce de sa libération. « Je vais reprendre pied, a-t-il confié, célébrer un peu la messe, et lire la Bible », activité qui lui a tant manqué pendant sa captivité.

Reuters 14/01/2014 - Georges Malbrunot pour LeMonde.fr, publié et mis à jour le 02/01/2014


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