LEGISLATION I NOUVELLE LOI ANTI TERRORISTE I CENSURE PARTIELLE DU TEXTE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La nouvelle loi antiterroriste intitulée « Loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement », adoptée le 22 juillet en lecture définitive par l’Assemblée Nationale, a été censurée partiellement, à la marge, par le Conseil Constitutionnel.

I) LES MESURES SOUMISES À L’EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Bien qu’adoptée par l’Assemblée Nationale, la loi devait encore, pour être promulguée, subir, conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution, un contrôle de constitutionnalité, en raison de 2 saisines du Conseil Constitutionnel par plus de 60 sénateurs.

3 mesures étaient visées :

  • Celle de l’article 4 de la loi déférée modifiant les dispositions du Code de la sécurité intérieure relatives aux MICAS (Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance) ;
  • Celle de l’article 6 de la loi déférée instituant une mesure judiciaire de la récidive terroriste et de réinsertion applicable aux auteurs d’infractions terroristes, décidée à l’issue de leur peine en considération de leur particulière dangerosité, afin de les soumettre à certaines obligations ;
  • Celle de l’article 25 (anciennement 19) de la loi déférée, prolongeant la période au terme de laquelle deviennent communicables de plein droit, certains documents d’archives publiques dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée.

Par une décision de non-conformité partielle – réserve, du 30 juillet 2021, le Conseil Constitutionnel a décidé de :

- valider la création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, décidée à l’issue de leur peine, permettant ainsi de tenir compte de leur dangerosité particulière et de renforcer significativement et sur une durée plus longue, leur suivi à la sortie de détention. Le Conseil Constitutionnel estime qu’au regard de son champ d’application, aux conditions du prononcé de la mesure et de sa durée, cette mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée, et au droit de mener une vie familiale normale, au regard du but poursuivi, à savoir lutter contre le terrorisme et ainsi participer à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
Cette validation est une revanche pour le gouvernement, puisque le Conseil Constitutionnel avait censuré l’année dernière une proposition de loi LREM « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine », proposition portée par la présidente de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, Yaël BRAUN-PIVET (LREM) et le député LREM Raphaël GAUVAIN, qui prévoyait des « mesures de sûreté » pour les détenus terroristes sortant de prison, notamment le port d’un bracelet électronique. L’adoption de cette mesure a fortement été critiquée par la gauche sénatoriale qui y voit « une disposition exorbitante de droit commun » ;

- valider la très controversée réforme du Code du patrimoine (en son article L213-2 Paragraphe I 3° alinéas 2 et 7). Au sénat, 5 groupes parlementaires (Le rassemblement démocratique et social européen, l’union centriste, les socialistes, le groupe communiste et le groupe écologiste) avaient alors dénoncé « un recul historique » et une remise en cause « du droit des historiens à faire de l’histoire » alors que des chercheurs et archivistes avaient quant à eux évoqué au lendemain du vote « une nuit noire pour les archives ». Etait en cause l’accès aux archives publiques dites sensibles, et la remise en question de la loi de 2008 qui permettait jusqu’alors d’obtenir communication de tous documents protégés par le secret-défense au-delà de 50 ans, sauf dans le cas où leur publicité constituait une grave menace pour la sécurité du pays.
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, l’accès à ces archives au bout de 50 ans est généralisé à des fins d’études et de recherches mais le champ des exceptions au délai de 50 ans pour les documents les plus sensibles est élargi. En effet, la loi établit 4 nouvelles catégories pour lesquelles il n’est pas possible de fixer par avance un délai au-delà duquel tout caractère « sensible » aurait disparu (documents relatifs à certaines infrastructures militaires ou civiles (comme des plans), documents sur l’emploi des matériels de guerre jusqu’à la fin de leur usage, documents concernant des procédures opérationnelles et sur les capacités techniques des services de renseignement, documents relatifs à la mise en œuvre et moyens de la dissuasion nucléaire).
En pratique donc, certains documents ne pourront être accessibles au public, qu’après leur « perte de valeur opérationnelle », notion trop floue pour les opposants à ce texte, et notamment pour le sénateur socialiste Jean-Pierre SUEUR, et ce d’autant que seules les autorités administratives seront en mesure de mettre fin à la classification (remettant en cause la loi du 3 janvier 1979), induisant de fait pour l’opposition un « allongement inédit des délais de communication ». Les parlementaires ont échoué à faire adopter des amendements imposant un délai plafond de 100 ans pour la libre communication des documents, mais ont réussi à faire adopter des amendements qui ont exclu de cette réforme les documents déclassifiés qui sont aujourd’hui librement communicables comme ceux relatifs à la guerre d’Algérie ou qui ont fait l’objet d’une ouverture anticipée de fonds d’archives publiques.

Le Conseil constitutionnel a validé ce texte estimant qu’il est loisible au législateur d’apporter à ce droit d’accès aux archives publiques des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Les sages ont toutefois énoncé 2 réserves d’interprétation :

  • ces dispositions ne sauraient, sans méconnaitre le droit constitutionnel d’accès aux documents d’archives publiques (dont la source réside dans l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789), s’appliquer à des documents dont la communication n’a pas pour effet la révélation d’une information jusqu’alors inaccessible au public ;
  • les dispositions contestées ne sauraient faire obstacle à cette communication lorsque la fin de l’affectation de ces installations (civiles et militaires notamment nucléaires) est révélée par d’autres actes de l’autorité administrative ou par une constatation matérielle ;

Cette disposition est susceptible d’avoir des implications importantes pour les victimes d’attentats commis à l’étranger, alors que souvent s’ajoutent à ces drames une dimension géo-politique, la raison d’état étant parfois invoquée pour justifier un manque de transparence envers les victimes.

- censurer certaines dispositions relatives aux MICAS (Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance) :

  • A été censurée notamment la mesure qui prévoyait l’allongement de la durée des MICAS, de 12 à 24 mois cumulés, pour les individus ayant purgé une peine d’au moins 5 ans d’emprisonnement (ou d’au moins 3 ans en cas de récidive) en raison d’une infraction en lien avec le terrorisme, en raison de l’atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale, comme le Conseil Constitutionnel en avait déjà décidé par sa décision QPC du 16 février 2018 et QPC du 29 mars 2018. La majorité sénatoriale de droite s’était opposée à cette mesure à l’époque arguant qu’elle serait censurée par le Conseil Constitutionnel, et proposait en remplacement des MICAS par des mesures de sûreté, ; en effet une mesure judiciaire qui « contrairement à une mesure administrative, donne plus de garanties » ;
  • En revanche, le Conseil Constitutionnel a validé la possibilité donnée à l’autorité administrative (le ministre de l’Intérieur) de prononcer une interdiction de paraitre dans les lieux exposés, par leur ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste (Art L228-2 du Code de la sécurité intérieure).

La loi adoptée, et examinée par le Conseil Constitutionnel, a finalement pu être promulguée le 30 juillet et publiée au journal officiel le 31 juillet, sous cette référence : loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

Le gouvernement s’est félicité, par l’intermédiaire d’un communiqué du ministère de l’Intérieur de la validation par les Sages de l’essentiel des dispositions portées par ce texte en tout en prenant acte et regrettant toutefois la censure par le juge constitutionnel de l’allongement de la durée des MICAS.

II) LES MESURES NON SOUMISES À L’EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

L’examen du texte de loi par le juge constitutionnel ne portait que sur les 3 dispositions précitées. Les autres mesures n’ont pas fait l’objet de recours et sont donc promulguées

C’est ainsi que la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement fait entrer dans le droit commun des dispositions qui se trouvaient dans la loi dite SILT (pour la « Sécurité Intérieure et Lutte contre le Terrorisme ») du 30 octobre 2017, et qui n’avaient vocation à être mises en œuvre que jusqu’au 31 décembre 2020 initialement, délai ensuite prorogé jusqu’au 31 juillet 2021. Pour rappel, la loi SILT a vu le jour le 1er novembre 2017 alors que l’état d’urgence décrété après les attentats de novembre 2015 prenait fin.

Une de ces mesures qui vient d’être pérennisée par cette loi est l’utilisation des algorithmes passant au peigne fin les informations apportées par les données de connexion et de navigation internet pour une détection précoce des individus potentiellement dangereux). On peut également citer parmi les mesures de cette loi l’extension des critères de fermeture des lieux de culte ou encore le brouillage des drones pour prévenir les menaces lors de grands évènements ou à l’occasion de certains convois ou en cas de survol d’une zone interdite.

Retrouvez ci-après l’article de la FENVAC traitant du contexte d’adoption et des détails de ce projet de loi : https://www.fenvac.org/l-adoption-par-la-france-dans-un

Retrouvez en bas de cet article :

- La version définitive de la loi avant la censure partielle du Conseil Constitutionnel ;
- La décision du Conseil Constitutionnel n°2021-822 DC du 30 juillet 2021 ;
- Le communiqué de presse du Conseil Constitutionnel relatif à cette décision ;
- Le communiqué de presse du Ministère de l’intérieur relatif à cette décision ;
- La loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 « relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement ».

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