Ouverture à Paris du procès en appel de "Carlos" sans ses avocats

Le procès en appel de "Carlos" s’est ouvert, lundi 13 mai, à Paris, en l’absence des avocats de l’accusé qui leur a demandé de ne pas se présenter à l’audience où il est jugé pour quatre attentats mortels il y a trente ans. Sa défense avait dénoncé auparavant des tentatives de "sabotage" au plus haut niveau de l’Etat vénézuélien après la mort d’Hugo Chavez, soutien du "Chacal".

"J’ai interdit à mes avocats de venir me défendre", a déclaré Carlos, 63 ans, en français, à l’ouverture des débats peu avant 11 heures devant la cour d’assises spéciale d’appel de Paris. "Ce n’est pas contre la cour (...) je n’ai aucune intention de saboter de procès", a expliqué l’accusé vénézuélien, qui met en cause le refus des autorités vénézuéliennes de prendre en charge les frais de sa défense durant le procès prévu jusqu’au 26 juin, ce qu’il assimile à un "sabotage". De ce fait, il a demandé que soient désignés des avocats commis d’office pour le représenter et que les débats puissent se dérouler malgré tout. "Ils ne connaîtront pas le dossier, mais moi je le connais, ça affaiblira un peu la défense mais on va se débrouiller", a assuré Carlos. Les avocats qui seront commis d’office peuvent néanmoins refuser cette charge, ce qui entraînerait un renvoi du procès.

Condamné en décembre 2011 à la réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de dix-huit ans pour quatre attentats qui avaient fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983, Ilich Ramirez Sanchez, né le 12 octobre 1949 à Caracas, nie les faits qui lui sont reprochés. Il est actuellement incarcéré à la maison centrale de Poissy (Yvelines).

"On est face à un grave problème à la suite de la disparition d’Hugo Chavez, qui était un soutien inconditionnel d’Ilich Ramirez Sanchez", avait dit Francis Vuillemin, l’un de ses avocats. "Une partie des hauts fonctionnaires vénézuéliens fait tout pour saboter sa défense", avait-il affirmé, disant y voir une "trahison" envers l’ancien président. "On n’a pas les conditions matérielles qui étaient prévues pour que sa défense puisse se tenir décemment." Aucun porte-parole de la présidence ou du ministère des affaires étrangères du Venezuela n’était disponible dans l’immédiat.

Hugo Chavez, qui a succombé au début de mars à un cancer, ne cachait pas sa proximité avec "Carlos", qu’il qualifiait de "bon ami" et saluait comme un "digne" combattant des causes révolutionnaires. Dernier soutien de cette icône déchue de l’extrême gauche armée, il avait demandé, lors de son procès en première instance, que ses droits soient respectés.

Les frais de défense de l’ancien ennemi public numéro 1 des années 1970 et 1980, qui a demandé son transfèrement vers son pays natal, devaient être pris en charge par le Venezuela, a assuré Me Francis Vuillemin. Mais, depuis la mort du fondateur de la "révolution bolivarienne", à qui son dauphin désigné Nicolas Maduro a succédé en avril, "cette prise en charge par l’Etat vénézuélien est bloquée", a dit l’avocat, qui ne met toutefois pas en cause l’actuel président. "On ne sait pas ce qui va advenir lundi, les cartes sont entre les mains des autorités vénézuéliennes, a-t-il précisé. Nous appelons ces autorités à demeurer fidèles à ce qui a toujours été l’engagement d’Hugo Chavez envers son compatriote vénézuélien Ilich Ramirez Sanchez."

DÉJÀ CONDAMNÉ À PERPÉTUITÉ

Une quinzaine d’avocats, français, mais aussi libanais, grecs, suisses, ou encore allemands, devaient assurer la défense de cette figure du terrorisme international, a indiqué Me Francis Vuillemin, évoquant, entre autres frais, transport, hôtel, etc. "Je ne parle même pas des honoraires", a-t-il précisé.

Dans ces conditions, l’avocat n’avait pas voulu se prononcer sur la stratégie qui sera adoptée par la défense de "Carlos" en appel. En première instance, elle avait mis en cause l’authenticité de plusieurs pièces du dossier constitué par l’ancien magistrat antiterroriste Jean-Louis Bruguière. "Carlos" est jugé une seconde fois en France, où il est emprisonné depuis dix-neuf ans. Remis à la France par le Soudan en août 1994, il purge une condamnation à perpétuité prononcée en 1997 pour les assassinats de deux policiers français de la DST et leur informateur, en 1975 à Paris.

Il répond dans le dossier jugé à partir de lundi de quatre attentats qui ont fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983 : ceux du 29 mars 1982 contre le train Capitole Paris-Toulouse, du 22 avril 1982 rue Marbeuf à Paris devant le siège du journal El Watan, et du 31 décembre 1983 dans un TGV près de Tain-l’Hermitage et à la gare Saint-Charles de Marseille.

Durant son procès en première instance, l’accusé, qui s’est décrit comme un "révolutionnaire professionnel", a dit "assumer la responsabilité politique et militaire" de certains attentats, mais pas de ceux jugés, qu’il impute à d’autres groupes. "Carlos" dirigeait un groupe d’activistes d’extrême gauche qui fut soutenu, armé et hébergé, on le sait aujourd’hui, par le bloc communiste d’Europe de l’Est, notamment la RDA, la Hongrie et la Roumanie, mais aussi protégé par la Syrie, l’Irak, le Yémen. Il s’est fait connaître dans le monde entier avec l’enlèvement, en décembre 1975 à Vienne, de onze ministres de l’OPEP.

AFP, 13.05.2013

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