Plusieurs associations craignent "de se retrouver à nouveau seules pour épauler les victimes d’attentat"

L’association 13-Novembre : Fraternité et vérité affirme sur Twitter que le secrétariat général chargé du suivi des victimes d’attentats va être supprimé. L’information n’a pas été confirmée par Matignon.

L’association 13-Novembre : Fraternité et vérité affirme, jeudi 15 juin, que le secrétariat général à l’aide aux victimes (Sgav) va prochainement disparaître. "Après le secrétariat d’Etat, c’est le secrétariat général à l’aide aux victimes qui est supprimé, indique-t-elle sur Twitter. Incompréhensible et inacceptable." Selon le vice-président, Emmanuel Domenach, l’information a "fuité" la veille. "Des personnes qui travaillent au secrétariat ont averti plusieurs associations d’aide aux victimes", explique-t-il à franceinfo.

Selon les informations qui ont été données aux associations par "des sources au ministère de la Justice", l’accompagnement des victimes sera à terme uniquement assuré par le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (Sadjav). Contacté par franceinfo, le ministère de la Justice répond "travailler au rapprochement du Sadjav et du Sgav pour assurer un meilleur soutien aux victimes". Rien n’est toutefois précisé sur les formalités de cette réorganisation. Le cabinet du Premier ministre n’a, lui, pas encore donné suite à notre demande.

"A qui vont s’adresser les milliers de victimes ?"

Pour les associations d’aide aux victimes, l’officialisation de la disparition du secrétariat général est toutefois imminente."Il y a d’abord eu la suppression du secrétariat d’Etat d’aide aux victimes, lors de la formation du nouveau gouvernement, rappelle Emmanuel Domenach. On nous a assuré que le secrétariat général assurerait désormais ces missions. Nous avons voulu croire à cette réorganisation, mais il semble que l’on va finalement revenir à ce qui existait avant l’attentat du 13-Novembre."

Le Sgav a pour mission de coordonner les actions entre tous les ministères. "Il nous sert d’interlocuteur avec le ministère de la Justice, pour l’accès au droit, mais aussi avec celui de la Santé, pour l’accès et le suivi des soins des victimes, et celui de l’Economie, pour la réinsertion professionnelle et les indemnisations, note le vice-président de 13-Novembre : Fraternité et vérité. A qui, désormais, vont s’adresser les milliers de victimes des attentats de Paris et de Nice ?"

"En colère", Emilie Petitjean accuse le gouvernement d’être "indifférent au sort des victimes d’attentats". "Le terrorisme n’est visiblement pas la priorité du ministre de la Justice", poursuit la présidente de l’association Promenade des Anges, qui regroupe des victimes de l’attentat de Nice et leurs familles. Elle a ellle aussi été informée de la suppression du Sgav par "une source interne".

"L’existence d’un secrétariat dédié nous a aidé, les procédures étaient plus simples, souligne Emilie Petitjean. Au lieu d’avoir un interlocuteur, les victimes risquent désormais de devoir batailler à la fois avec la sécurité sociale, avec l’administration pour avoir des certificats de décès, avec le fonds de garantie..."

Les associations plongées dans l’incompréhension

Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), est "incrédule". "Pourquoi casser ce qui fonctionne ? Le secrétariat général existe parce qu’on a constaté après l’attentat du 13-Novembre des lacunes, un manque de travail en commun entre les ministères", rappelle-t-il.

"Le Premier ministre actuel ne s’intéresse-t-il pas à cette question ?, s’agace encore Stéphane Gicquel. Je ne comprends pas comment l’alternance politique peut influer sur l’accompagnement des victimes. Ce n’est pas un sujet clivant ! C’est au contraire un sujet qui doit rassembler."

La Fenvac et l’association 13-Novembre s’inquiètent de la capacité du Sadjav à être le seul interlocuteur pour les victimes d’attentats. "Est-ce qu’ils auront assez de moyens, assez de personnel pour assurer le suivi ? C’est un gros point d’interrogation, estime Emmanuel Domenach. Je crains que les associations ne se retrouvent à nouveau seules pour épauler les victimes."

"L’Etat ignore les victimes"

La suppression du secrétariat général n’aurait pas uniquement des conséquences administratives. "Les victimes d’attentats ont déjà un très fort sentiment d’abandon et cette décision leur envoie un signal désastreux, assure Emmanuel Domenach. Cela donne l’impression que l’Etat les ignore. Sur le plan psychologique, c’est très dur."

"Ça fait mal, souffle encore Sophie Parra, une rescapée du Bataclan, interrogée par franceinfo. On s’est battu pendant un an et demi pour avoir de l’aide, du soutien. Mais on nous enlève les interlocuteurs qui ont appris à nous connaître." La jeune femme, blessée lors des attaques du 13-Novembre, craint de "redevenir un numéro de dossier".

"[La secrétaire d’Etat à l’Aide aux victimes] Juliette Méadel disait qu’il ne faut pas ajouter de douleur à la douleur. Mais c’est exactement ce que fait le gouvernement en supprimant le Sgav, confie Emilie Petitjean. J’ai enterré mon petit garçon de dix ans, je n’ai pas besoin de cette souffrance supplémentaire."

Les associations veulent rencontrer Emmanuel Macron

Sophie Parra redoute également que l’accompagnement des victimes soit insuffisant en cas de nouvel acte terroriste. "De plus en plus d’attentats se produisent, mais on déconstruit ce qui a été fait !", s’émeut-elle. "L’attentat de Londres [dans lequel trois Français ont été tués] montre que cette question reste essentielle, pas seulement dans l’Hexagone, mais aussi pour les ressortissants à l’étranger", abonde Emmanuel Domenach.

"Peut-être que la réorganisation autour du Sadjav sera efficace, mais il n’y a aucune certitude, note Stéphane Gicquel, de la Fenvac. Et si une attaque se produit le temps que ces changements soient mis en place, que va-t-on faire ?"

Les associations d’aide aux victimes s’organisent déjà pour répondre à la possible suppression du secrétariat général. "Nous voulons être reçus par Emmanuel Macron afin que la situation soit clarifiée au plus haut niveau de l’Etat", martèle Stéphane Gicquel. "On ne va pas baisser les bras, promet encore Sophie Parra. Nous ne pouvons simplement pas nous le permettre."

Source : francetvinfo.fr
Auteur : Marie-Violette Bernard
Date : 16 juin 2017

Crédit photos : Source : francetvinfo.fr Auteur : Marie-Violette Bernard Date : 16 juin 2017

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