POURQUOI LE SECOURS DES VICTIMES EST SI COMPLEXE A MARSEILLE ?

ENTRETIEN. Trois jours après l’effondrement rue de Tivoli, les marins-pompiers de Marseille poursuivent sans relâche leurs recherches sous les décombres.

Depuis trois jours, une centaine de marins-pompiers de Marseille se relaient jour et nuit dans les décombres des deux immeubles effondrés de la rue de Tivoli. Sans qu’aucun signe annonciateur n’ait été relevé, le bâtiment, haut de trois étages, est soudainement réduit à l’état de ruines dans la nuit du dimanche 9 avril. Quelques heures plus tard, le bâtiment voisin, le numéro 15 de la rue de Tivoli, s’effondre, après avoir été évacué de justesse.

« Les décombres continuent d’être fouillés à la main, car il y a un danger très important au niveau de la stabilité de l’immeuble du numéro 19 », a déclaré ce mercredi 12 avril la procureure de Marseille, ajoutant que les fouilles étaient devenues « particulièrement périlleuses ». Près de 200 personnes, dont des familles entières, ont été évacuées des immeubles voisins, par peur d’un nouvel effondrement. Les deux dernières personnes portées disparues ont finalement été retrouvées mercredi en fin de journée, portant à huit le nombre de victimes.

Qu’est-ce qui a pu provoquer un tel soufflement du bâtiment en pierre ? « Nous sommes en train de travailler sur l’hypothèse de l’explosion au gaz », a ajouté la procureure de Marseille, Dominique Laurens. L’enquête a désormais « basculé en homicide involontaire dès la découverte du premier corps ». Soixante-douze heures après le drame, de multiples questions et inquiétudes subsistent. Pour tenter d’y répondre, le vice-amiral, Lionel Mathieu, chef des opérations de secours (COS) pour les prochaines 24 heures, répond au Point.

Le Point : Quelle est la situation actuelle sur place, trois jours après l’effondrement de l’immeuble ?

Lionel Mathieu : Nous sommes actuellement face à un chantier encombré de gravats. Nous avons procédé à l’enlèvement des deux tiers, soit près de 1 000 mètres cubes. Ce que nous craignons actuellement est la chute des deux bâtiments voisins aux 11 et 19 rue de Tivoli, ce qui nous amène une opération de sécurisation par projection de béton sur ces parois pour éviter que les murs ne cèdent. Six corps ont déjà été extraits et nous continuons ardemment l’examen des décombres pour espérer retrouver les derniers survivants. Même si les chances sont très très faibles, il nous reste un infime espoir.

Comment le bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) a-t-il mis en place le sauvetage de personnes ensevelies ?

Dans cette opération de sauvetage, il y a eu plusieurs phrases, dont deux très urgentes à réaliser dans les quinze premières minutes. Il fallait parallèlement évacuer les habitants du 15 et du 19, rue de Tivoli et éteindre l’incendie qui s’était déclaré sous les décombres. Les équipes ont alors tenté d’effectuer les premiers déblayages, mais la mission s’est avérée très complexe avec les fumées et la chaleur. Trois heures après l’effondrement, nous avons donc été obligés de changer de tactique. Les sauveteurs ont été remplacés par une pelle mécanique, chargée de déblayer les gravats, suivie ensuite par notre équipe cynophile. Les chiens nous aident à détecter les personnes vivantes sous les décombres et à les localiser avec précision. On les fait passer après chaque retrait d’une couche de gravats. Ils nous sont très utiles, car ils permettent d’aller plus vite. On veut absolument éviter de nouvelles victimes.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Nous avons rencontré deux principales difficultés. La première est l’incendie qui nous a fait perdre du temps dans l’exploration. À cause des fumées et de la chaleur, le personnel et les chiens ont été ralentis. L’autre grande difficulté que nous avons rencontrée est la menace d’effondrement des immeubles adjacents. Nous avons dû prendre des précautions et agir très rapidement. L’immeuble effondré était en pierre et la manière dont il s’est effondré a rendu difficile la recherche des victimes contrairement aux plaques de béton, qui laissent des bulles d’air. Les gravats qui ont explosé sont beaucoup plus compacts, il est donc plus difficile d’explorer le terrain et de les extraire.

Trois jours après le début de l’opération, comment vont les marins-pompiers déployés sur le terrain ?

Il y a sur place une centaine d’hommes en temps constant. Au total, ils sont entre 300 et 400 à s’être rendus sur le terrain. Pour lutter contre la fatigue, on fait tourner le personnel à des rythmes différents selon leur fonction. Sur place, un soutien logistique a été mis en place avec de la nourriture, de l’eau bien sûr, et des lits de camp pour ceux qui sont exténués. Des médecins et des infirmiers sont aussi présents non seulement en cas de suraccident, mais aussi pour soulager les petits bobos et la fatigue. Ce type d’opérations, qui se produisent heureusement très rarement, sont celles qui nécessitent le plus d’entrainement et de technicité pour nous. Les équipes ont été entraînées et formées pour ce type d’intervention et il y a une forme de stimulation pour eux. Ils sont conscients de l’enjeu extrêmement fort et chacun sait qu’il est préparé pour intervenir et se doit d’être là. Le contrecoup arrivera certainement après et on mettra un dispositif pour aider ceux qui en auront besoin.

Crédit photos : Article rédigé par Marie-Liévine Michalik paru sur lepoint.fr

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