Un radiophysicien et deux radiothérapeutes écopent de 18 mois ferme après le dysfonctionnement de 448 traitements par radiation de cancers de la prostate entre 2001 et 2006.
Des peines de dix-huit mois de prison ferme contre deux anciens médecins de l’hôpital d’Epinal et contre leur collègue radiophysicien ont été prononcées mercredi au procès du plus grave accident de radiothérapie recensé en France.
Me Gérard Welzer, avocat d’un grand nombre de victimes et de leurs proches, s’est dit « satisfait » de ce jugement alors qu’en « matière de santé publique les condamnations sont de plus en plus rares ». Les prévenus, qui ont dix jours pour faire appel, n’ont pas été incarcérés, le mandat de dépôt n’ayant pas été prononcé par les juges.
Entre 2001 et 2006, près de 450 patients de l’établissement traités pour des cancers de la prostate ont été victimes de surdoses de radiation. Douze en sont morts, selon un dernier bilan communiqué au procès, à l’automne 2012. Deux accidents distincts ont eu lieu : des erreurs de paramétrage d’un logiciel lors du passage à une nouvelle génération d’appareils en 2004 ; l’absence de prise en compte, dans le calcul final des radiations, des doses délivrées lors des contrôles radiologiques précédant le traitement lui-même.
Six ans après les premières plaintes en 2006, les juges ont estimé le radiophysicien Joshua Anah, 54 ans, coupable d’homicides et blessures involontaires, soustraction de preuve et l’ont condamné à une peine de trois ans de prison dont 18 mois ferme et 10 000 euros d’amende. Il est interdit d’exercer sa profession pendant cinq ans.
Pour homicides et blessures involontaires ainsi que non assistance à personne en danger, les deux médecins radiothérapeutes Jean-François Sztermer, 64 ans et Michel Aubertel, 62 ans sont condamnés à 4 ans de prison dont 18 mois ferme et 20 000 euros d’amende chacun. Ils sont interdits définitivement d’exercer.
« Cacher la vérité »
Le tribunal a relaxé les quatre autres prévenus poursuivis pour non-assistance à personne en danger : Francette Meynard, ex-directrice de la Ddass des Vosges ; Jacques Sans, ancien directeur de l’agence régionale d’hospitalisation de Lorraine ; Dominique Cappelli et l’établissement lui-même au titre de personne morale.
Joshua Anah, chargé du paramétrage des appareils, s’est rendu coupable de « négligence inadmissible » dans la mise en place du nouveau protocole et la formation des manipulatrices, avait dénoncé le parquet dans ses réquisitions en réclamant trois ans de prison dont un ferme à son encontre. Alors que le ministère public n’avait pas demandé de condamnation des deux radiothérapeutes pour homicides et blessures involontaires, le tribunal a retenu ces charges.
Le ministère public avait prononcé un réquisitoire impitoyable contre leur « volonté de cacher la vérité » aux victimes, leur tentative de minimiser, voire dissimuler les accidents. Le procès avait mis en lumière le fonctionnement « autarcique » du service où s’est produit le drame. Au final, avait affirmé un médecin dépêché à l’hôpital d’Epinal après le drame, cet établissement n’aurait connu « en vingt ans » que trois mois de fonctionnement sans sur-irradiation. Un troisième incident de moindre ampleur sur des centaines de patients traités entre 1989 et 2000 est en fin d’instruction.
Les parties civiles avaient mis en cause le « désir de briller » des praticiens, via l’expérimentation de certaines techniques sans précautions suffisantes. Des accusations rejetées par des prévenus qui avaient imputé les difficultés au manque de moyens humains et au flou des directives régissant à cette époque les pratiques de radiothérapie. Excuses inacceptables pour les victimes et leurs proches qui avaient défilé à la barre, témoignant du calvaire quotidien des sur-irradiés au système digestif, urinaire et anal ravagé.
AFP, Libération.fr, le 31 Janvier 2013