Procès de la filière djihadiste Cannes-Torcy : la justice face à l’anonymat des enquêteurs

Les nouvelles dispositions qui protègent l’identité des enquêteurs posent question, alors que les policiers sont entendus à la barre.

« Merci pour cet exposé Mme M..., euh le témoin numéro 50. » Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps, mercredi matin, pour entendre le président de la cour d’assises de Paris commettre une bévue. A savoir prononcer le patronyme de cette enquêtrice de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire venue témoigner au procès des membres de la cellule hétéroclite de Cannes-Torcy.

Comme la loi le permet depuis 2006 pour les agents engagés dans la lutte antiterroriste, les nombreux policiers appelés à déposer devant la cour dans ce dossier ont obtenu le droit de le faire de façon anonyme, afin de garantir leur sécurité. Pour cette chef de groupe de la SDAT, c’est râpé, mais la bourde n’a, en fait, guère de conséquence. Car, dans cette affaire, les enquêteurs ont travaillé durant l’instruction sous leurs réelles identités. Lesquelles figurent sur la liste officielle des témoins... envoyée aux accusés. « A partir du moment où nos clients ont accès à cette liste, cette anonymisation devant la cour est absurde », ironise Me Raphaëlle Guy, qui défend l’un des vingt accusés.

C’est malgré tout dans l’ombre, derrière une porte masquée par un store, que « Madame 50 » - comme se sont mis à l’appeler de nombreux avocats de la défense - a livré son témoignage précis sur le démantèlement de cette cellule en 2012-2013 (voir ci-contre). Un récit très complet mais assez désagréable à entendre à cause de la modification de sa voix. Une précaution supplémentaire et, celle-là, inédite. « La déformation de la voix ne parait pas forcément très utile », commente, dubitative, une source judiciaire.

L’anonymisation des enquêteurs systématique dès l’instruction

Les avocats de la défense ont pris acte de cette disposition. « Nous comprenons les motivations des policiers, d’autant qu’ils font clairement partie des cibles potentielles, admet Me Thomas Klotz. Même s’il faut bien reconnaitre que cela nuit au contradictoire et à la qualité des débats, surtout devant la cour d’assises où l’aspect humain est fondamental. D’autant qu’il ne faut pas oublier qu’en face, on a des accusés qui encourent la perpétuité ou vingt ans de prison ».

Depuis la multiplication des attentats, et encore plus après l’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines) en juin 2016, l’anonymisation des enquêteurs est désormais systématique dès le stade de l’instruction. A noter également que, depuis peu, les magistrats du parquet antiterroriste rechignent à voir leurs patronymes dévoilés dans la presse.

Source : leparisien.fr
Auteur : Timothée Boutry
Date : 11 mai 2017

Crédit photos : Source : leparisien.fr Auteur : Timothée Boutry Date : 11 mai 2017

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