Responsable, mais pas coupable. Le leitmotiv de la société Norpac n’a pas changé. ...
Hier, son ancien PDG, Alain Noyer, comparaissait à nouveau devant la justice suite à l’effondrement de la passerelle de la gare d’Étaples, le 15 août 2009. L’accident, survenu à 12 h 10, avait fait trois blessés et un mort, le Valenciennois Cono Cucchiara, parmi les ouvriers de Norpac qui travaillaient sur ce chantier.
Il y a un an jour pour jour, l’affaire était passée devant le tribunal correctionnel de Boulogne. À l’époque, Norpac avait déjà rejeté les responsabilités de l’accident sur son bureau d’étude et la SNCF. Sauf qu’Alain Noyer était seul sur le banc des prévenus. Le tribunal avait fini par renvoyer le parquet à « mieux se pourvoir ». Norpac ayant fait appel de cette décision, le dossier s’est retrouvé directement devant la cour d’appel de Douai.
Des défaillances pointées par l’expert
Devant les proches de Cono Cucchiara encore très éprouvés (lire ci-dessous), le tribunal a refait le film du drame. Le rapport de l’expert Jack Mervil s’est retrouvé au coeur des débats. Les défaillances pointées du doigt par ce spécialiste sont édifiantes : des anomalies dans le ferraillage des poutres, une pression de 114 tonnes au mètre contre les 99 tonnes que l’ouvrage pouvait supporter, des délais de séchage du béton ramenés de 28 à 18 jours... Pourtant, l’avocat de Norpac a persisté à nier toute faute de la société. « Toutes les études de conception et de réalisation (de la passerelle) ont été menées par le bureau d’étude Ingerop en lien avec la SNCF, a martelé Me Dubosc. Ce n’est pas Norpac qui a fait les calculs. » Quant au béton, il aurait fait l’objet de tests préalables et était, selon lui, « parfaitement travaillable en l’état ».
Face au déni du seul prévenu convoqué, l’avocat de la famille de la victime a rappelé le groupe à ses responsabilités : « Dans cette affaire, on a fait fi d’un certain nombre de principes. Pourtant, nous ne sommes pas en face d’artisans de base. » Me Pierre-Jean Coquelet a notamment dénoncé l’attitude des responsables du chantier juste avant l’accident. « Des craquements dans la structure ont été entendus à 11 h 20 et le chantier a été interrompu pendant vingt minutes. C’est inconcevable que, dans une entreprise comme celle-là, le chantier ait pu reprendre sans aucune mesure de sécurité. » Des microfissures avaient pourtant été détectées... Les avocats des parties civiles sont persuadés que « des pressions » de la SNCF ont pu précipiter le chantier. Au moment du drame, certains ouvriers avaient d’ailleurs déjà dépassé les 48 heures de travail hebdomadaire légal.
Le tribunal suivra-t-il la réquisition du ministère public, qui a réclamé 30 000 E d’amende à l’encontre de l’ex-PDG ? Ou demandera-t-il des mesures d’instruction supplémentaires pour faire comparaître d’autres
responsables ? Le jugement a été mis en délibéré jusqu’au 29 juin. •
Sylvain Delage, La Voix du Nord - 26 mai 2012