Procès des attentats de Bruxelles : derniers mots des accusés, les jurés partent délibérer sur les peines

Ultime plaidoirie ce matin pour Ali El Haddad Asufi, puis les accusés ont pris la parole en dernier avant que les jurés ne se retirent pour délibérer sur les peines avec les magistrats de la cour d’assises.

Mohamed Abrini
Mohamed Abrini s’est exprimé en premier. " Je suis un incorrigible pessimiste et j’ai peur que l’avenir soit aussi gris qu’aujourd’hui. Il y aura toujours des musulmans qui voudront instaurer la charia. Et d’autres vendront des armes, voudront faire la guerre. C’est une triste réalité. J’aimerais dire aux victimes que je suis désolé, que je demande pardon pour tout ce qui s’est passé et ce qu’elles doivent subir".

Salah Abdeslam
Salah Abdeslam a ensuite pris la parole pour s’adresser aux victimes : " Ne pensez pas ce qu’on vous a dit dans les médias. J’ai eu de l’empathie pour vous. Vos témoignages m’ont poursuivi jusque dans ma cellule. J’ai pensé à vous et je me suis remis en question. Je ne suis pas fier de voir des femmes et des hommes défigurés, blessés dans leur chair […] , je n’ai pas les mots pour vous, mais je me suis adressé à vous en premier, je vous ai expliqué ce que j’ai dans le cœur parce que je ne veux pas que vous rentriez à la maison avec l’idée que j’ai participé au 22 mars. Oui, j’ai fait des choses très graves, je me suis affilié à l’EI, mais ça ne me rend pas coupable de tous les attentats perpétrés par l’EI. Je vous parle de vous à moi, comme si on était au parloir, entre humains. J’espère que ça vous aidera dans votre processus de reconstruction".

Ensuite à l’égard des jurés qui l’ont condamné pour les attentats du 22 mars, il revient sur son incompréhension suite à cette condamnation : "Vous avez un cœur, vous pouvez raisonner. On vous dit que l’appartement de la rue du Dries est en carton. On vous dit que Belkaid est le chef, l’émir. Et qu’il n’a rien à voir avec le projet du 22 mars. On vous dit la même chose pour Sofien Ayari. Mais par contre, moi, j’ai à voir avec le 22 mars". Et Salah Abdeslam d’évoquer "un harcèlement juridique", et d’ajouter : "Bien sûr, les réquisitions sont à la hauteur des faits, mais pas à la hauteur des hommes qui sont dans le box".

Ali El Haddad Asufi
C’est ensuite Ali El Haddad Asufi, très ému, pour lequel l’accusation a requis la perpétuité qui s’adresse aux jurés pour dire qu’il ne s’attendait pas à être reconnu coupable d’assassinats terroristes. C’est désormais définitif dit-il, "c’est une vérité judiciaire et je l’accepte, mais je ne suis pas un assassin ni un terroriste et je ne le serai jamais. Je n’ai jamais voulu ce qui s’est passé, mais je ne vais pas fuir mes responsabilités. Ibrahim El Bakraoui a détruit ma vie, mais moi aussi en ne posant pas les bonnes questions. J’aurais dû me réveiller. Je me demanderai jusqu’à la fin de ma vie : pourquoi j’ai été aussi con ? J’aurais dû savoir, j’aurais dû comprendre. Et maintenant, je dois vivre avec ça. Je ne peux rien faire pour changer le passé et j’espère que les victimes comprendront que même si je suis condamné, je n’ai jamais souhaité de mal à personne, je suis désolé de ce qui leur est arrivé. Je sais que ce ne sont que des mots… J’ai honte d’avoir été l’ami d’Ibrahim El Bakraoui et d’être dans ce box. Tout ce que je veux demander au jury, à la cour, c’est de me condamner à une peine qui me correspond à moi, pas une peine exemplaire". Une conclusion qui fait écho à la plaidoirie de ses avocats qui ne comprennent qu’on puisse requérir à son égard la même peine que pour Oussama Atar, commanditaire des attentats.

Bilal El Makhoukhi
Ossama Krayem et Sofien Ayari n’ont pas souhaité s’exprimer. Quant à Bilal El Makhoukhi, il a fait part de ses regrets sincères : "J’ai vu ici tout ce que j’avais toujours refusé de voir : l’impact que ça a eu sur les victimes, leur famille, c’est ici que je l’ai vu. Quand on est en cellule, le plus dur, c’est de l’admettre à soi-même qu’on regrette. Je ne cherche pas à être quelqu’un d’autre. Même si on n’a pas la religion en commun, les victimes ressemblaient à n’importe quel membre de ma famille. Je ne me cherche pas d’excuse, je n’en trouve pas".

Hervé Bayingana Muhirwa

Enfin Hervé Bayingana Muhirwa : "J’ai écouté tant et tant de récits de victimes. J’ai pleinement pris la mesure du tort qu’ils ont subi. Je le regrette et je le regretterai toujours. On ne peut pas remonter dans le passé. On ne peut pas revenir au 22 mars pour effacer ce qui s’est passé. […] Je n’oublierai jamais le témoignage de la femme d’Yves qui est décédé dans le métro. Ça ne sera jamais derrière moi. Tout ce que je souhaite, c’est d’œuvrer, travailler à des actions réparatrices, même si on ne réparera pas ce qui s’est passé le 22 mars. Je vais essayer à mon niveau de faire quelque chose de meilleur."

Les jurés et les magistrats de la cour se sont retirés dans un lieu tenu confidentiel. L’arrêt sur les peines n’est pas attendu avant mercredi au plus tôt.

Cet article est rédigé par Patrick Michalle pour rtbf.

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes