PROCES DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015 I J4 : PREMIER TEMOIGNAGE D’UN ENQUETEUR ANTITERRORISTE ENTRECOUPÉ D’INTERRUPTIONS DU PRINCIPAL ACCUSE

En ce 4ème jour d’audience, le Président commence par annoncer le programme de la semaine : auront lieu les premières auditions des enquêteurs et l’éventuelle diffusion de photos et de vidéos des lieux visés.

La Cour reprend ensuite la lecture de la fin de l’ordonnance de mise en accusation : tous les chefs d’accusation retenus à l’égard de chaque accusé sont récapitulés. Au total : dix crimes et un délit, celui de recel de terroriste.

A lieu ensuite un débat sur l’organisation des prises de parole des parties. En effet, en raison du nombre exceptionnel d’avocats de parties civiles, leur prise de parole est importante et précède généralement celle du Ministère Public. Cependant, certains avocats de la défense se sont plaints d’avoir la parole trop tard après leurs interventions. Il a donc été décidé par le Président que les avocats généraux prendront la parole juste après le Président puis les parties civiles puis la Défense, permettant ainsi à la Défense de succéder directement aux questions des avocats des parties civiles.

L’après-midi se poursuit avec l’audition d’un commissaire de police, ancien chef de la sous-direction antiterroriste (SDAT), premier de la longue liste de témoins appelés à comparaitre devant la Cour.

Après être revenu sur les éléments de contexte notamment l’année 2015 marquée par son nombre important d’attentats perpétrés sur le territoire national, le témoin aborde le déroulé de l’enquête de police menée par la SDAT (Sous-direction antiterroriste) qui a débuté dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015. L’enquêteur développe le travail de constatations hors normes mené qui a mis sur la trace de terroristes en fuite et qui a conduit à la réalisation d’une cartographie précise des modes opératoires. Cet investissement de longue haleine a révélé l’existence des complices et commanditaires permettant ainsi de dessiner la structure établie par l’Etat Islamique pour frapper la France.

Rapidement après le début de l’exposé de l’enquêteur, Salah Abdeslam prend soudainement la parole :
« C’est quand qu’on aura la parole ? » demande-t-il. « Plus tard » lui répond le Président. Avant de reprendre « Monsieur Abdeslam, vous vous taisez, sinon je vous fais sortir de ce box ». Le principal accusé répond : « Moi je sors, y a pas de problème ! Masi arrêtez avec ça, ça va pas soulager la partie civile d’entendre ça ! Ca fait une semaine qu’on entend ça. » dit-il. « Eh bien vous n’avez pas fini de l’entendre, ça va durer encore des semaines » rétorque le Président.

Le calme se réinstalle, permettant à l’enquêteur de reprendre son propos, et de revenir en détail sur les attaques et l’ampleur des huit scènes de crimes. Décrivant l’état des corps des trois terroristes du stade de France, le témoin continue son exposé avec les terroristes du commando des terrasses dont faisait partie Abdelhamid ABAAOUD, le coordonnateur. Le policier explique la sidération générale des services de renseignement français de découvrir la présence de l’individu en France alors qu’ils le croyaient tous en Syrie.

C’est ensuite l’horreur de l’attaque perpétrée au Bataclan qui est racontée par l’enquêteur au travers d’un exposé détaillé.

Dans son récit, l’enquêteur revient également sur les avancées des investigations par les enquêteurs belges qui ont travaillé main dans la main avec les enquêteurs français. Alors qu’il aborde un dossier de production de faux documents de la police belge, un avocat de la défense l’interrompt : « Pourquoi donner des éléments sur Bruxelles ? c’était censé être une présentation synthétique », dit-il. « Laissez le témoin terminer son propos » lui rétorque le Président. Salah Abdeslam, sur un ton ironique reprend alors à nouveau la parole, sans autorisation, en criant : « Faut lui donner la légion d’honneur » (NDLR : il fait allusion à l’ensemble des propos dits par le témoin.)

Le Président, agacé par ses interventions intempestives et malvenues, lui répond : « Effectivement, il y a des gens, la Cour est intéressée. Mais vous savez pendant des semaines vous allez entendre des fonctionnaires de police revenir en détails sur le déroulement, sur l’enquête, ça va prendre des semaines. »

Salah Abdeslam tente de reprendre la parole pour protester mais le Président l’en empêche : « Taisez-vous. Vous allez entendre le témoignage de parties civiles, de victimes, qui existent, de parents de victimes qui existent. Même si ça ne vous plait pas. Va falloir vous armer de patience »

A la fin de son exposé, le témoin répond aux questions des magistrats, des avocats généraux, avocats des parties civiles, et des avocats de la défense.
Un assesseur évoque le fait que Salah Abdeslam ait été contrôlé le matin du 14 novembre 2015 avec Amri et Attou, mais qu’il n’a pas été inquiété lors de ce contrôle. Elle lui demande alors de rappeler quand son nom est remonté et pourquoi le contrôle n’a pas été plus opérant ? Le témoin explique que Salah Abdeslam est identifié à 12h30, confirmé à 15h30 par la découverte dans un véhicule d’un contrat de location. Les enquêteurs ont été avisés du contrôle après 12h30. Il n’est pas interpellé à 12h30 mais il fait l’objet d’un contrôle fouillé. Les forces de l’ordre ont à ce moment-là relevé la plaque d’immatriculation et l’identités des accompagnants.

Une avocate générale demande quant à elle quelles ont été les lignes du partage du travail entre la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) et la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ). Selon le témoin, la DRPJ s’est chargée des scènes de constatations, du parcours des terroristes dans Paris et des perquisitions sur le logement de Bobigny. La DCPJ s’est chargée de la poursuite des renseignements recueillis dans cette enquête, la localisation de Salah Abdeslam et d’Abaaoud. Elle a également eu un rôle de suivi et de coordination de toutes les investigations. Quant à la DGSI, elle a fourni des renforts pour les auditions de témoins et a ensuite travaillé sur le volet international du dossier.

Autre exemple, un avocat de partie civile revient sur le chapitre des armes, et suppose que le parcours des armes a été le plus difficile à reconstituer car on ne se procure pas facilement des kalachnikovs dans toute l’Europe. Le témoin confirme alors qu’il était très compliqué de remonter l’historique des armes. En Belgique il est légal d’acheter des kalachnikovs. Il y a les distorsions du marché avec lesquelles il leur faut composer pour lutter contre le trafic d’armes, explique-t-il.

L’audience est levée à 20h47.

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