PROCÈS DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015 I J6 : LES ACCUSÉS SE SONT EXPRIMÉS PRÉALABLEMENT AU TÉMOIGNAGE DU 1er ENQUETEUR DE LA BRIGADE CRIMINELLE SUR LA COORDINATION ENTRE LES COMMANDOS

Le mercredi 15 septembre, le Président souhaite donner la parole à l’entièreté des accusés présents : ceux dans le box mais également ceux qui comparaissent libres, pour des déclarations spontanées afin d’éclairer la Cour et les parties.

Alors que certains déclarent penser aux victimes tout en niant leur implication dans les faits ; d’autres préfèrent s’abstenir de toute déclaration.

Parmi ceux exprimant une certaine empathie vis-à-vis des victimes, on retrouve Farid Kharkhach, qui, bien qu’admettant avoir apporté de l’aide à Salah Abdeslam via la production de faux-papiers, déclare n’avoir jamais eu connaissance d’un quelconque projet terroriste, et justifiant ce délit par un besoin impératif d’argent pour subvenir aux besoins de sa famille et notamment ceux de sa sœur malade. Il précise : « Je n’ai jamais su ce qui allait se passer. Ça fait plusieurs années que je souffre et ce n’est rien à côté de la douleur des victimes. Je n’ai rien fait, je ne savais pas du tout. Je n’étais pas au courant", avant de terminer sur le fait que sa femme, enceinte de 8 mois lors des attentats de Bruxelles en 2016, était présente dans le métro ce jour-là et de conclure qu’il "n’aurait jamais sacrifié quelqu’un dans le monde entier".

Yassine Atar et Mohamed Amri déclarent quant à eux « condamner avec la plus grande fermeté » les attentats et rejettent toute confusion avec Oussama Atar.

Abdellah Chouaa se dit être « très ému pour toutes les victimes » ; Muhammad Usman déclare être « désolé pour toutes les victimes que ça a fait ». Quant à Adel Haddadi : « ça fait 6 ans que j’attends ce procès. Je pense aux victimes. Je sais que j’ai fait des fautes. J’ai tout fait pour réparer. ».

D’autres accusés quant à eux préfèrent ne pas s’exprimer, tels que Osama Krayem et Mohamed Abrini.

Et il y a aussi Salah Abdeslam, principal accusé, qui en introduction annonce qu’il sera « peut-être un peu plus long que les autres ». En revenant sur les propos de la juge belge auditionnée la veille, il tient à apporter un éclaircissement sur l’emploi des termes « jihadistes, terroristes, etc. ». Pour lui, « il ne s’agit que de l’islam authentique. Ces terroristes ; ces radicaux, ce sont des musulmans (...). Il tient ensuite à répondre à l’une des questions posées à la juge belge hier « Pourquoi la France ? ». Salah Abdeslam explique : « on a combattu la France, on a attaqué la France, on a visé des civils mais en réalité on n’a rien de personnel à leur égard (...) car les frappes françaises qui visent l’État islamique ne distinguent pas les hommes, les femmes et les enfants. »

D’un ton inhabituellement calme, ses propos se transforment très vite en tribune politique. Salah Abdeslam n’hésite pas en effet à justifier les attentats du 13 novembre 2015 comme représailles contre la décision de François HOLLANDE de bombarder l’Etat islamique en Syrie, et de dire : « On a voulu que la France subisse la même douleur que nous subissons », « François HOLLANDE savait que sa décision contenait des risques et que des français allaient trouver la mort. »

Il clôture sa déclaration en ajoutant « je sais que certains de mes propos peuvent heurter les âmes sensibles, le but n’étant pas de blesser les gens ou d’enfoncer le couteau dans la plaie mais d’être sincère envers ces gens qui subissent une douleur incommensurable. Le moins que je puisse faire c’est d’être sincère envers ces gens-là et de ne pas leur mentir ».

S’ensuit l’audition d’un enquêteur de la brigade criminelle, qui, dans un exposé extrêmement minutieux retrace les itinéraires des trois véhicules utilisés par les commandos ainsi que la téléphonie entre les assaillants. L’enquêteur explique que la téléphonie révèle une coordination très précise entre les groupes, « la chaine de commandement » tenue de Belgique, et les terroristes qui recevaient les ordres sur le sol français : La Clio (utilisée au Stade de France) et la Seat (utilisée pour l’attaque des terrasses) appelle la Belgique qui ensuite appelle la Polo (utilisée pour l’attaque au Bataclan). On en déduira plus tard, en réponse aux questions des parties civiles, que d’après la police le Bataclan était la cible centrale et finale, en attestent les recherches réalisées en amont par les terroristes.

Il décrit les cheminements des véhicules sur une carte, ainsi que l’émission de signaux depuis les différents téléphones utilisés ayant permis le bornage notamment. La fiabilité des données DATA sera plus tard remise en cause par un avocat de la défense qui contestera leur précision. L’enquêteur diffuse des clichés des éléments retrouvés à l’intérieur des véhicules lors des fouilles (dans la Seat seront retrouvés entre autres 3 kalachnikovs, 17 chargeurs dont 13 entièrement vides, 3 couteaux de boucher, et dans la Clio un papier portant l’inscription « Place de la République, boulevard Saint Martin, Stade de France, aéroport Charles de Gaulles sur lequel seront relevées les empreintes d’Abaaoud et Abdeslam).

Les chiffres, mentionnés par l’enquêteur, sont effroyables : sur les fusillades des terrasses, la multitude de munitions retrouvées sur les scènes de crimes témoignent de la violence et de la volonté de tuer en masse : au Carillon et au Petit Cambodge, 200 munitions ont été tirées. A La Bonne Bière, 68 munitions. La Belle équipe : 128.

L‘enquêteur précise également son impression ce soir-là : « on est sur une seule scène de crime, en plusieurs endroits certes, mais une seule scène de crimes où les auteurs se sont coordonnés » et de confirmer l’orientation suivie par les terroristes de vouloir engager un certain nombre de forces sur les premières attaques avant d’attaquer en dernier le Bataclan.

C’est une coordination, mais c’est aussi une simultanéité des attaques dont les terroristes se réjouiront d’ailleurs dans l’audio de revendication.
La diffusion d’un extrait de la vidéo surveillance du métro pendant l’audience retient également l’attention : on y voit Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrou en train de passer les tripodes à la station Croix de Chavaux, souriant, juste après leur participation aux fusillades sur les terrasses. Cette vidéo-surveillance confirmera non seulement aux enquêteurs que deux terroristes sont toujours en vie et à Paris, et traduira l’état d’esprit dans lequel ils se trouvent : sereins. Le but des enquêteurs à ce moment-là : éviter le « sur-attentat ».

Alors que Me Reinhardt, avocat de partie civile, demande à l’enquêteur d’exprimer avec ses mots ce qu’il a vu ce soir-là, l’enquêteur a déclaré que oui, « c’est difficile ». Il s’est déjà rendu sur les lieux de Charlie Hebdo, « mais là, c’est quelque chose de pire », et de continuer de dire que « le professionnalisme reprend vite le dessus, pour la prise en compte des victimes et la gestion des victimes ». Il évoque avoir ressenti un sentiment d’échec le soir des faits : « on pourrait empêcher mais on n’a pas pu l’empêcher ».
Il dit toutefois ne pas être pas sûr qu’ils auraient eu les moyens de tout empêcher.

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