PROCES DU CRASH DU VOL AF447 RIO-PARIS : LES ALERTES D’AIR CARAÏBES

Quelques mois avant la catastrophe du Rio-Paris d’Air France, la compagnie Air Caraïbes a connu deux incidents liés aux sondes Pitot et a prévenu les autorités.

Après un mois d’audience au procès du crash du Rio-Paris AF447 qui avait fait 228 victimes en juin 2009, un nouvel éclairage sur le contexte du drame est intervenu lors du témoignage de François Hersen, président et dirigeant responsable d’Air Caraïbes Atlantique. Cette compagnie française, qui exploite les mêmes Airbus A330-200 qu’Air France, Corsair, XL Airways (et que l’armée de l’air avec l’avion présidentiel), a connu en 2008 deux incidents comparables de givrage des trois sondes Pitot.

« Plus qu’un incident, nous l’avons considéré comme un quasi-accident », explique le témoin. Il fait référence au 28 août 2008, quand « l’équipage a vécu deux minutes sans indication de vitesse qui lui ont paru une éternité ». Le commandant de bord, qui était en formation, et son instructeur ont alors appliqué la procédure enseignée aux élèves pilotes dès les premières heures de vol, à savoir maintien de l’assiette (à cabrer légèrement ) et affichage de la puissance de montée (climb). François Hersen avait été averti en pleine nuit de l’incident grave et avait débriefé les pilotes dès leur arrivée à Orly.

L’autorité de tutelle – la Direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC) – a été prévenue, ainsi qu’Airbus. Les autres équipages d’Air Caraïbes ont immédiatement été informés et consigne leur a été donnée d’être vigilants en cette fin d’été où les orages sont fréquents sur la route des Antilles. Une note a aussi été distribuée aux pilotes, mais, « dans des petites compagnies, les gens se connaissent, souligne le témoin. Le matin, je croise des équipages qui arrivent, d’autres qui partent, c’est facile de communiquer ». « En gros, questionne Me Alain Jakubowicz, avocat pour les parties civiles, il vaut bien mieux voler sur une petite compagnie ? » « On ne peut pas répondre à une question comme ça, ce sont deux mondes différents », estime François Hersen.

L’information circule trop lentement

Quelques jours plus tard, un autre équipage connaît un incident semblable, mais moins grave. Le 10 septembre, Air Caraïbes adresse alors un courrier sur ce sujet et la défaillance des sondes Pitot à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour qu’elle en avertisse l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), responsable de ces questions. Le courrier est bien transmis à Cologne, mais seulement un mois plus tard. Quant à la réponse de L’EASA sur la nécessité de changer les sondes Pitot, elle arrive le 30 mars 2009.

Cette lenteur dans la circulation de l’information, due à une bureaucratie paralysante, n’est pas étrangère à l’accident de l’AF447. Si les autorités de tutelle avaient été plus réactives, Air France aurait pu changer ses sondes plus tôt. La compagnie aurait pu ajouter à ses programmes de formation sur simulateur des entraînements à la perte d’information de vitesse et la conduite à tenir en cas de décrochage. Le drame aurait ainsi pu être évité.

La cinquième semaine du procès débute lundi avec l’audition des experts du deuxième collège, celui nommé à la suite de l’expertise demandée par Airbus. Puis mardi est attendu un témoignage essentiel, celui des experts du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) du Bourget, dont le rôle n’est pas de rechercher des responsabilités mais de proposer des recommandations pour améliorer la sécurité. La frontière est souvent ténue.

Crédit photos : Par Thierry Vigoureux pour lepoint.fr 07/11/22

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