Urbanisation, manque de prévention, réchauffement climatique... Après les dégâts des intempéries dans le Var, vient le temps des interrogations. Et des solutions.
Des paramètres météorologiques
En huit heures, il est tombé sur le Var 30% de ce qui tombe en une année. Ces pluies torrentielles qui se sont abattues sur le sud-est de la France sont exceptionnelles. "Les inondations d’avant-hier et hier sont tout à fait rarissimes, explique Etienne Kapikian, prévisionniste chez Météo France. Il est tombé 300 mm de pluie en vingt-quatre heures sur Draguignan, ce qui correspond à quatre ou cinq mois de précipitations dans cette région."
D’après Eric Martin, chercheur à Météo France, les fortes pluies sont le résultat de la combinaison de trois facteurs dans un laps de temps très court. "Une mer chaude, un relief montagneux favorisant la formation d’orages et des masses d’air en provenance d’Afrique."
Assurances
Les assureurs font un geste. Maaf, MMA et GMF ont décidé d’étendre exceptionnellement leur garantie pour leurs assurés les plus durement touchés par les inondations.
Parmi ces mesures, les assurés verront leur frais de relogement payés pendant six mois lorsque leur résidence principale est inhabitable, tandis que l’assurance du logement provisoire sera gratuite pour eux.
Les spécialistes n’ont pas le recul nécessaire pour attribuer ces intempéries au réchauffement climatique.
Les "déficiences" de la France
Mercredi, le Sénat a rendu un pré-rapport sur les leçons à tirer de la tempête Xynthia. Le bilan ? Zéro pointé d’après le document qui souligne les "déficiences" de la France dans la gestion du risque d’inondation. Réponse de Chantal Jouanno, ce jeudi, la France sous-estimait certains risques.
Le Plan local qui soulignait les risques
Les autorités, prises au dépourvu par les fortes pluies exceptionnelles, auraient-elles pu mieux réagir ? Draguignan est un secteur répertorié par le Plan de prévention des risques inondation (PPRi), réalisé en 2005. Le document est élaboré par le préfet, en collaboration avec les collectivités territoriales. Il souligne la possibilité de "graves problèmes en cas de crue majeure" dans la commune. Il dénombre notamment dans la zone inondable de Nartuby, "environ 50 bâtiments commerciaux, 150 habitations individuelles et 15 immeubles collectifs", dont la maison de retraite et la maison d’arrêt de Draguignan.
Météo France
Nombre de jours sur 30 ans (1979-2008) avec une hauteur de pluie supérieure à 200 mm par département
Des actions remises à plus tard
Pourquoi les préconisations du PPRi n’ont pas été traduits dans la réalité ? Un observateur proche du dossier déplore, dans Les Echos, "le laxisme et le manque de volonté politique". Il dénonce en particulier "l’absence d’avancement des chantiers prévus par le Contrat de Rivière signé en 2007".
Bruno Janet, responsable du Shapi, organisme en charge de la prévisions des inondations, a reconnu que la surveillance des cours d’eau à risque crue dans le Var était inexistante. L’Argens, la Nartuby et le Gapeau devaient être soumis à une attention particulière dès... l’année prochaine. Un délai que déplore François Giannoccaro, directeur de l’Institut des risques majeurs de Grenoble. "Si on a effectivement eu des conditions climatiques exceptionnelles, on a des acteurs sur le territoire qui ne sont pas conscients de l’intensité possible des événements et de la prévention nécessaire." Autre problème : aucune information n’est prévue pour alerter les habitants. "Le public est le grand absent des politiques de prévention des risques", ajoute François Giannoccaro.
Les solutions envisagées
Les politiques seraient donc à la traîne ? Laurent Michel, responsable de la prévention des risques au ministère de l’Ecologie, s’en défend. "19 000 communes françaises sont potentiellement menacées par les inondations (...) Chaque année nous approuvons entre 300 et 400 plans, mais une partie d’entre eux doivent déjà être revus car les connaissances scientifiques sur les aléas ont évolué." Avant d’ajouter que le gouvernement travaille avec Météo France sur la manière d’améliorer les alertes locales. François Giannoccaro considère que le public n’est pas assez informé des risques. Autre solution proposée par Marie-France Beaufils, maire (PCF) de Saint-Pierre des Corps, "qu’il y ait de véritables simulations des risques afin de déterminer l’urbanisation".
Julie Saulnier
L’Express /Le 17 juin 2010