Naufrage du Bugaled Breizh : les familles des victimes désespèrent après 8 ans d’enquête

"Notre seul espoir est que quelqu’un parle", explique, désabusée, la belle-soeur de l’un des cinq disparus du Bugaled Breizh, huit ans après le naufrage toujours inexpliqué du chalutier breton au large des côtes britanniques, le 15 janvier 2004.

"On n’a plus beaucoup d’espoir. L’enquête n’avance plus. Beaucoup, parmi les familles des disparus, sont morts ou souffrent de maladies ou de dépression. Notre seul espoir est que quelqu’un parle", dit-elle, en écho des autres familles.

Le père de Patrick Gloaguen, qui était mécanicien en second à bord du Bugaled Breizh est mort récemment "sans savoir ce qui est arrivé à son fils", confie-t-elle.

Le navire avait coulé en quelques secondes dans une zone où se déroulaient des manoeuvres militaires de l’Otan et de la Marine britannique, jetant ainsi la suspicion sur l’un des sous-marins impliqué dans les exercices.

"Je reste persuadé que les autorités françaises ont des informations qui permettraient aux juges de cerner l’identification du sous-marin en question. On est dans le mensonge militaire d’Etat", affirme Christian Bergot, avocat de plusieurs familles. Lui aussi espère qu’"un jour, quelqu’un qui est au courant parlera".

Après plusieurs années d’enquête, en juillet 2008, les juges quimpérois Richard Foltzer et Muriel Corre, en charge du dossier avant que le tribunal de Quimper ne perde son pôle d’instruction, avaient estimé "hautement probable" l’hypothèse d’une collision avec un sous-marin nucléaire d’attaque.

Fin 2006, l’enquête administrative du BEA Mer avait, elle, conclu sans réserve à un accident de mer dû à une "accumulation d’un certain nombre de facteurs" liés à l’"enfouissement ou à la croche du train de pêche dans le sable".

L’amertume des familles est d’autant plus vive que la révélation, fin juillet, par l’une des parties civiles, de l’existence d’un "informateur de bonne foi désirant conserver provisoirement l’anonymat" et supposé avoir recueilli une confession du commandant du sous-marin britannique Turbulent n’a débouché sur aucune audition devant les juges d’instruction nantais.

Même impasse dans le cas d’un autre anonyme présenté comme "digne de foi et possédant une parfaite connaissance du monde militaire", cité en décembre 2010 par un hebdomadaire spécialisé. Selon ce témoignage, un sous-marin britannique, en l’occurrence le Turbulent, aurait été en exercice avec le sous-marin français Le Rubis le jour du naufrage, thèse contestée par les autorités britanniques et françaises.

Une autre piste s’est également révélée infructueuse, celle officiellement évoquée par l’expert sous-marinier Dominique Salles, d’un sous-marin américain qui aurait pu patrouiller en Manche, en mission de surveillance en vue d’un possible transport de plutonium.

"Huit ans c’est trop long, mais on ne peut pas dire que l’instruction n’a pas été faite avec détermination. Les juges sont limités par le secret défense. Les pays qui participaient aux manoeuvres n’ont donné que ce qu’ils ont bien voulu donner. Le tri a été fait avant", affirme Christian Bergot, qui représente aussi le comité local des pêches du Guilvinec.

L’enquête se poursuit notamment avec des expertises pour déterminer si les traces de titane découvertes sur les fûnes (câbles) du navire pourraient provenir du revêtement d’un sous-marin. Prononcer un non-lieu n’est pas envisagé dans un proche délai, selon le parquet de Nantes.

Le Bugaled Breizh avait été retrouvé à environ 80 m au fond de l’eau, au large du cap Lizard, avec 140 mètres de câble supplémentaire déroulé côté bâbord. Ce qui, selon certains experts et parties civiles, aurait pour origine une collision avec un sous-marin.

L’incident pourrait également provenir d’un problème technique ou d’une croche (accident de pêche), selon d’autres experts.

NouvelObs.com - 10 janvier 2012


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