Crash du Mont Sainte-Odile : la poignante cérémonie

La scène est aussi poignante que le silence est pesant. 19h20, hier soir, sur les hauteurs d’Obernai. Des dizaines de torches et de lampions éclairent la stèle sur laquelle sont gravés les noms des 87 victimes du crash du Mont Sainte-Odile. Elle est posée à l’endroit même où l’Airbus A 320 d’Air Inter reliant Lyon à Strasbourg s’est écrasé, à 800 m d’altitude. Du drame, il ne reste qu’une large trouée dépourvue de végétation, en plein cœur de cette forêt très dense de conifères.

Il fait nuit noire, la colline est ceinturée par le brouillard, le froid est glacial, il neige et un participant s’époumone dans sa cornemuse. L’image est surréaliste. Vingt ans minute pour minute après l’accident, une centaine de personnes respectent une minute de silence. Ils ont laissé là un père, une sœur, une fille, un mari… « Je pense que les conditions climatiques étaient encore pires », se souvient Nicolas Skourias. Il est l’un des neuf survivants de la catastrophe. Il avait 26 ans à l’époque et avait pris place dans les six derniers rangs de l’avion, côté gauche : « Là où il y a eu la plupart des rescapés. »

Depuis le parking de la Bloss, il lui a fallu hier vingt minutes à pied pour atteindre l‘endroit que les premiers secours ont mis quatre heures à trouver le soir du drame. Hypothéquant ainsi les chances de survie de six des quinze survivants, morts de leurs blessures : « L’attente a été terrible. On essayait de s’approcher de la carlingue en feu pour se réchauffer. » Il participe à la cérémonie pour soutenir les proches de ceux qui n’ont pas eu la même chance que lui : « J’ai longtemps ignoré ces rassemblements.J’avais un sentiment de culpabilité. Pourquoi moi et pas eux ? C’était dur… »

La plaie n’est pas encore refermée

Chaque année, les proches des victimes font un pèlerinage sur les lieux. Mais c’est la première fois qu’ils s’y retrouvent à l’heure dite : « C’est une façon d’être au plus près de ce qui s’est passé, d’entrer en communion avec les nôtres. On a tous ici un point commun : celui de savoir exactement ce qu’on faisait le 20 janvier 1992 à 19h20 », commente Alexandre Marillach. Lui avait 19 ans. Il était dans sa chambre d’étudiant à Annecy quand il a appris le crash aux informations : « Je ne savais pas que mon père était dans l’avion, mais j’ai eu comme un pressentiment, comme un malaise à ce moment-là. Quand j’ai su qu’il était à bord mais qu’il y avait des survivants, j’étais persuadé qu’il en était. » Las. Clément Offner avait dix ans au moment du drame qui a aussi coûté la vie à son papa. Il a suivi toutes les procédures judiciaires et les échecs qui en ont découlé. La plaie n’est pas encore refermée : « J’avais besoin d’entendre des aveux. Cette attente n’a jamais été assouvie. On m’a enlevé mon père mais personne n’en porte la
responsabilité, n’admet avoir fait d’erreur. C’est dur. Aujourd’hui, on est là pour tourner définitivement la page. Parce qu’il faut accepter à un moment qu’on se bat contre des moulins à vent et que cela ne débouchera sur rien.

Quatre-vingt dix personnes ne pèsent rien face aux milliards d’euros des entreprises du secteur aérien. »

L’un des participants prend la parole pour lire un texte où il se met dans la peau d’un des disparus racontant les dernières minutes du vol et l’enchaînement de négligences qui ont conduit au crash « de l’avion le plus sûr du monde », comme il le souligne à plusieurs reprises avec amertume, avant de conclure : « La justice des hommes n’a pas voulu reconnaître qu’il y avait eu des erreurs. Mais nous, nous savons depuis vingt ans qu’il n’en est rien.
Deux femmes lisent tour à tour un poème. Puis chaque participant vient recouvrir la stèle d’une rose avant de s’évanouir dans la nature, le cœur lourd.

Philippe MARQUE - Le Républicain Lorrain - 21 janvier 2012


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