City of Poros : des "accusés fantômes" jugés à Paris

Face à un box des accusés vide, les magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris ont entamé lundi le procès de trois anciens membres du groupe palestinien d’Abou Nidal, jugés pour l’attaque du bateau de croisière City of Poros qui avait fait 9 morts il y a plus de 23 ans en Grèce.

Pourquoi une juridiction française est-elle compétente pour juger cette affaire ? La présidente, Laurence Turbe-Bion, répond d’emblée : "C’est le fait qu’il y ait des victimes françaises, s’agissant d’un attentat commis à l’étranger. Le dossier chez M. (Jean-Louis) Bruguière a démarré en 1988 par une plainte contre X déposée par les parents d’une victime."

Le 11 juillet 1988, le City of Poros rentre vers Athènes, après une journée de croisière dans le golfe Saronique, quand un passager sort de son sac un pistolet-mitrailleur. Il tire en rafales sur la foule, lance une grenade puis un engin explosif, provoquant un incendie.

Neuf personnes sont tuées dont trois jeunes Français : les étudiants Laurent Vigneron et Annie Audejean, qui s’apprêtaient à célébrer leurs fiançailles, et une secrétaire de 21 ans, Isabelle Bismuth.

"Je suis désolée pour la famille de mademoiselle Bismuth", dit la présidente, mais nous avons besoin de projeter une photographie parue alors dans Paris Match" : on y voit la jeune femme jouer aux cartes avec un passager, Adnan Sojod, un Libanais de 21 ans à l’identité incertaine, sans se douter que ce dernier prépare l’attaque.

Dans la salle, André Bismuth, 73 ans, "a mal" de revoir cette photo. Mais il a déjà tellement encaissé : "Le 12 juillet 1988, ma femme avait vu au 20 heures qu’on traitait ma fille de terroriste", raconte-t-il à l’AFP. "J’étais allé au commissariat pour protester : ils m’avaient gardé jusqu’à 4 heures du matin en se disant : +Maintenant, on a le père de la terroriste...+"

Les trois accusés auraient agi pour le compte du Fatah-Conseil révolutionnaire fondé en 1974 par Abou Nidal (mort en 2002).

"On a l’impression qu’on juge un peu des fantômes. On n’est pas sûrs de l’identité ni de la nationalité des accusés et on ignore s’ils sont toujours vivants", glisse, hors audience, Me Philippe Pressecq.

Le procès a lieu huit ans après la signature de l’ordonnance de mise en accusation par le juge Bruguière, aujourd’hui retraité... "On est dans des délais de jugement anormalement longs", admet la présidente. "Des délais scandaleux", dit Me Francis Szpiner, au banc des sept avocats représentant plus de 40 parties civiles.

Et à ceux qui pourraient douter du bien-fondé d’un tel procès, Me Szpiner répond : "A partir du moment où on identifie des auteurs, il y a toujours procès et il y en aura toujours ! Le terroriste Carlos avait été condamné à perpétuité pour l’assassinat de deux policiers bien avant d’être arrêté."

"Ca a le mérite d’arrêter la prescription", lance l’avocat. Et "de faire apparaître la bêtise, l’indécence et la saloperie de ceux qui, en Grèce, ont accusé des victimes françaises d’être des terroristes".

Le "chef du commando", le Jordanien Samir Khaidir, vivait en Suède où il se faisait passer pour un homme d’affaires. En perquisitionnant chez lui, à Stockholm, des policiers découvriront des photos d’une grosse pierre qu’ils localiseront dans une forêt, y découvrant une "énorme cache d’armes".

Quant au troisième accusé, le présumé libanais Abdul Hamid Amoud, il pourrait avoir trouvé la mort, quelques heures avant l’attentat, dans la mystérieuse explosion d’une voiture garée près du point de départ du bateau.

Le procès, qui doit s’achever jeudi ou vendredi, se poursuivra mardi par l’audition d’enquêteurs de l’ex-DST (fusionnée depuis avec les Renseignements généraux dans la Direction centrale du renseignement intérieur).

AFP - 27 février 2012


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