Le wagon 120 : piège mortel

Sept ans et demi d’instruction, vingt-quatre parties civiles et une kyrielle d’avocats, le procès en appel du drame du train « Paris — Munich » s’est ouvert hier, dans la salle d’assises de Nancy, réquisitionnée pour l’occasion, et se tiendra jusqu’à vendredi.

L’an passé, en première instance, Volker Janz, le steward imprudent par lequel tout est arrivé, avait écopé d’un an avec sursis pour « blessures et homicides involontaires ». La SNCF et la Deutsche Bahn avaient été relaxées. Le parquet a fait appel, persuadé de la responsabilité des deux entreprises, coupables de n’avoir pas respecté la législation. C’est tout l’enjeu de ce procès, très technique et expurgé de toute pâte humaine. En première instance, sur quinze jours, de nombreux témoins étaient en effet venus narrer l’horreur de cette nuit.

Le 6 novembre 2002, le train N°261 Paris – Munich quittait la capitale à 22 h 58. Tous les wagons de ce convoi appartenaient à la SNCF excepté le N°120, de la Deutsche Bahn (DB), situé juste derrière la locomotive. Le train traversait la gare de Nancy à 2 h 10. Le personnel SNCF travaillant sur la voie remarquait alors des fumées suspectes à l’arrière du wagon 120.

L’alerte était donnée et le train s’immobilisait une minute plus, tard, à hauteur du quai de la Bataille, à la sortie de la gare de la cité ducale. Le sinistre prenait alors une ampleur dévastatrice, le wagon devenant la proie des flammes. Appelés à 2 h 15, les pompiers parvenaient sur place à 2 h 22 mais éprouvaient, du fait de la proximité des caténaires, du dénivelé entre la voie ferrée et la rue et de la présence de grilles, les pires difficultés à intervenir.

Rollin Amore a perdu cinq membres de sa famille : sa mère, son frère, sa belle-sœur et ses deux neveux. « Certains témoins ont vu les enfants collés à la vitre », explique, avec une immense dignité, cet Américain. « J’espère que ce sacrifice n’aura pas été vain et qu’il contribuera à renforcer la sécurité dans les trains ».

A 22 h 35, les secours parvenaient à pénétrer dans le wagon l20 et constataient le décès par asphyxie de douze personnes, mortes pour la plupart dans leur cabine. Trois victimes étaient retrouvées dans le couloir, devant une porte fermée. Les huit autres occupants de ce wagon-lit étaient parvenus à s’échapper, en brisant la fenêtre de leur cabine.

Les premières investigations avaient permis de déterminer que dans le local qui faisait usage d’office du wagon 120, Volker Janz, le steward de ce wagon de la DB, avait posé son sac de voyage sur une plaque chauffante et avait suspendu ses affaires au-dessus. Il s’était ensuite assoupi sur son siège-couchette situé à proximité de ce local.

Lorsqu’il s’était réveillé, il avait constaté le début d’incendie mais, pris de panique, avait enchaîné les fautes : il n’avait pas lutté contre le sinistre, n’avait pas averti les passagers du wagon, n’avait pas déverrouillé les portes de couloir et latérales et n’avait pas donné l’alerte de façon appropriée. Volker Janz se serait borné à courir précipitamment vers l’arrière du convoi, sans prévenir ceux qu’il croisait, pour y chercher le chef de train.

Le juge d’instruction avait relevé que le wagon 120 de la DB n’était pas conforme à la législation : on n’y dénombrait qu’un seul extincteur, les fenêtres étaient infranchissables, l’emplacement des marteaux brise-vitres n’était pas bien indiqué. Pour le magistrat, la SNCF était également fautive : pas de communication prévue entre les voitures composant le convoi et aucune mesure pour s‘assurer de la conformité de ce wagon-lit de la DB qu’elle avait inséré à son train.

Pour Gérard Chemla, l’avocat de la FENVAC (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs), « une entreprise ne doit pas être irresponsable dans son exercice. Quand on déplace des voyageurs, on ne doit pas se retrouver avec un piège mortel… ».

Eric NICOLAS - L’Est Républicain - 27 mars 2012


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