AF 447 : les avocats fondent sur les familles de victimes

Pour attirer les familles, le cabinet anglo-saxon fait miroiter la perspective d’un procès aux États-Unis. L’un d’eux attire ses clients grâce à l’Association des victimes et fait miroiter un procès spectaculaire aux États-Unis. (Fabrice Amedeo Le Figaro.fr)

Un nom, un numéro de téléphone, un profil sur Facebook. L’« Association pour la vérité sur le vol AF 447 » n’a pas été longue à s’organiser. Pourtant, quand on compose le numéro de l’association, on tombe directement chez un cabinet d’avocats. Le cabinet Maier, c’est son nom, représente déjà, via l’association, 50 familles. Contacté par Le Figaro, son patron assure n’avoir fait que prêter ses locaux et sa secrétaire à l’association. « Nous ne sommes pas des requins, explique Sylvain Maier. Nous allons ouvrir prochainement une nouvelle ligne téléphonique afin qu’il n’y ait pas d’amalgame. »
Le cabinet parisien collabore avec un cabinet anglo-saxon, Stewarts Law, spécialisé dans les crashs aériens. Selon nos informations, ce dernier a contacté les proches de victimes peu après le drame pour leur proposer ses services. Basé à Londres, il les reçoit dans les locaux de l’association, c’est-à-dire au sein même du cabinet d’avocat de Sylvain Maier, mais assure être « indépendant ». Il fait miroiter aux victimes des perspectives d’indemnisations mirobolantes.

Ce « racolage » est interdit en France, mais n’étonne pas son nouvel associé parisien. « Je ne suis pas choqué si l’objectif est d’être efficace, explique Sylvain Maier. Ce procédé ne relève pas de l’ordre des avocats de Paris, et je ne suis même pas sûr qu’il soit interdit outre-Manche. » « Un tel procédé est courant, relativise Denis Chemla , avocat associé au cabinet Herbert Smith. Certains cabinets d’avocats aux États-Unis et en Europe s’organisent immédiatement après un accident afin de contacter les familles. » Selon nos informations, Stewart Law a même contacté l’avocat d’un proche de victime pour tenter de récupérer son client à prix d’or. « En France, nos honoraires ne dépassent pas 20 % des sommes obtenues par les victimes, alors qu’aux États-Unis c’est 30 à 40 %», explique l’avocat qui s’est vu proposer le deal.

Pour attirer les familles, le cabinet anglo-saxon fait miroiter la perspective d’un procès aux États-Unis. « La valeur du siège, c’est-à-dire l’indemnisation des victimes, est plus importante aux États-Unis qu’en France, explique Denis Chemla. En France, l’indemnisation est notamment calculée en fonction des revenus des victimes, alors qu’aux États-Unis les considérations sont davantage émotionnelles . » En général, un « siège » sera indemnisé 3 à 5 millions de dollars aux États-Unis, contre rarement plus de 1 million d’euros en France. Lors de l’accident du Concorde d’Air France, en 2000, les familles avaient touché 1 million par disparu, car les voyageurs étaient plutôt fortunés. Pour l’accident de Charm el-Cheikh de 2004, les indemnisations devraient être beaucoup plus faibles.

Airbus fait cause commune avec Air France

Dans le cas du vol AF 447, Air France n’est pas concerné par un procès aux États-Unis. En vertu de la convention de Montréal, la compagnie ne peut être poursuivie que sur le lieu de départ ou d’arrivée de son avion. La convention fixe également l’indemnisation à 90 000* euros par personne disparue. Une partie de cette somme (17 000 euros) a d’ailleurs déjà été versée aux familles.

De son côté, Airbus devrait faire cause commune avec Air France. « Parfois, ils le font même sans qu’on le sache, explique un avocat de victimes. Au final, c’est le réassureur Lloyd’s qui fait le chèque, et on ne sait pas qui est derrière. »

Mais une fois réglé le cas d’Air France et d’Airbus, il reste encore tous les équipementiers de l’avion, dont la plupart sont américains. C’est là que le travail des cabinets parfois qualifiés de « vautours » commence. Pour eux, tous les moyens sont bons pour exporter la procédure judiciaire sur le sol américain. Les enquêteurs évoquent une mauvaise utilisation du radar par le pilote ? Du pain béni : le radar est de marque américaine. Même scénario si le moteur de l’Airbus - il est de marque General Electric - est évoqué, etc. Reste à savoir si le cabinet anglo-saxon pense réellement faire fortune grâce à un procès aux États-Unis ou s’il ne s’agit pour lui que d’un moyen pour s’attirer des clients. Depuis un an, sur 150 cas de cet ordre, 147 demandes ont été rejetées par la justice américaine.


* Note FENVAC : La somme de 90 000 euros dont il est question ici n’est pas un montant standard d’indemnisation mais fait sans doute référence en fait à une disposition de la Convention de Montréal qui introduit un palier entre un régime de responsabilité de plein droit et un régime de présomption de responsabilité. Si le préjudice subi est reconnu comme supérieur à cette somme, il sera bien évidemment indemnisé.


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