Le juge d’instruction est amené à disparaître

Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, et Nicolas Sarkozy vont recevoir mardi le rapport du comité Léger, chargé du chantier de réforme de la justice. On en connait déjà les grandes lignes : l’introduction du "plaider coupable", par exemple, qui allègera les procès d’Assises, la limitation des gardes à vue aux infractions débouchant sur des peines de prison, ou encore la réduction des temps de détention provisoire. Mais ce qui fait polémique, c’est la suppression du juge d’instruction.

Le rapport devait initialement être remis en juin, mais la date a été repoussée en raison des élections européennes et du remaniement ministériel. Parmi les propositions, déclinées en 12 thèmes, figurent la disparition du juge d’instruction —que le président de la République avait lui-même annoncée en janvier— et une série de mesures visant à renforcer à la fois les droits de la défense et le pouvoir du procureur, appelé à devenir la seule autorité dirigeant l’enquête pénale.

Un bouleversement qualifié de "régression démocratique" par Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), car il ne s’accompagne pas d’un changement du statut des magistrats du parquet, subordonnés hiérarchiquement à la Chancellerie qui décide de leur carrière.

Autre mesure phare de ce "projet" : l’introduction en cour d’assises du "plaider coupable", une mesure écourtant le procès et ouvrant la voie à une peine minorée qui n’existe pour l’instant qu’en correctionnelle. Cela ne concernerait pas les crimes les plus graves, notamment lorsque la prison à vie est encourue. Lors du procès, le président de la cour deviendrait davantage un "arbitre" entre accusation et défense, laissant notamment au représentant du parquet l’exposé des faits reprochés à l’accusé. La victime garderait toute sa place dans le "plaider coupable" en ayant la possibilité d’assister à l’audience.

Au stade de l’enquête, le comité préconise "des délais butoirs fortement réduits" pour la détention provisoire et une "restriction" du placement en garde à vue. Les personnes frappées par cette mesure pourraient s’entretenir avec leur avocat pendant une demi-heure dès le début, puis à nouveau à la douzième heure, le défenseur ayant alors accès aux procès verbaux des auditions de son client.

En recevant en mars un rapport d’étape qui ne concernait que cette phase de l’enquête, Rachida Dati, ancienne Garde des Sceaux, avait promis que les propositions feraient l’objet d’"une large consultation" en vue d’un projet de loi soumis au Parlement.

Le comité Léger suggère toutefois que les enquêtes pénales se déroulent à l’avenir sous le contrôle d’un "juge de l’enquête et des libertés" qui serait notamment chargé d’autoriser les mesures "les plus attentatoires aux libertés", comme les perquisitions et les écoutes téléphoniques. Les magistrats avaient vivement critiqué le projet annoncé en janvier par Nicolas Sarkozy, estimant que les procureurs dépendant de l’exécutif enterreraient les affaires sensibles.

Les réactions

Le député socialiste André Vallini, ancien président de la commission Outreau, un scandale judiciaire dans lequel un juge d’instruction avait été accusé de s’acharner contre des personnes détenues préventivement pour des accusations fantaisistes de pédophilie, s’est aussi ému de ces conclusions. Il juge "regrettable" que le comité Léger n’ait pas suivi la piste de l’instruction menée collégialement, qui avait été prônée à l’unanimité par cette commission.

Michèle Alliot-Marie avait assuré vendredi à Bordeaux que la suppression programmée du juge d’instruction s’accompagnerait de garanties supplémentaires pour les victimes et la défense.

Auteurs : Chloé Triomphe & Elodie Touchard & La rédaction de RTL
RTL inf o 30 août 2009


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