Catastrophe de Brétigny : les questions s’accumulent

Ce sont les boulons de la polémique. Ces pièces métalliques d’une dizaine de centimètres de long reviennent au cœur des débats de l’accident du 12 juillet à 17h14 à Brétigny-sur-Orge (Essonne) à la suite d’une information d’Europe1. Car selon la radio, les boulons mis sous scellés par la justice ne seraient pas les bons.

En fait, l’histoire des boulons démarre le mercredi 17 juillet. Ce jour-là, à 14 heures, se tient pendant deux bonnes heures, une réunion à la gare Montparnasse. Dans la salle G située près du jardin Atlantique, une quarantaine de personnes sont réunies autour de sept comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour faire le point sur les conséquences du déraillement. Sont notamment présents Stéphane Courcier, le directeur de l’Axe TGV Atlantique, également directeur de la région Paris Rive Gauche (qui regroupe 20.000 cheminots, soit la plus grosse région en terme de nombre d’agents) ainsi que Bertrand Gosselin, le directeur du RER C. À l’ordre du jour figuraient les informations sur les mesures mises en œuvre après l’accident, la prise en charge et le soutien des agents, le plan de transports et enfin, le diagnostic technique réalisé.

Les boulons de la discorde

C’est dans le cadre de ce dernier point qu’est intervenu un agent de la SNCF, « un mec très sérieux » selon l’expression d’un syndicaliste présent, reconnu dans le milieu cheminot et désigné comme expert par la SNCF pour prêter mains fortes aux enquêteurs judiciaires. La SNCF a d’ailleurs désigné des experts dans plusieurs domaines : matériel, infrastructures et traction. Cet expert a commencé son exposé en expliquant que quand il est arrivé sur les lieux de l’accident, la scène avait été modifiée. Selon lui, des boulons avaient été déplacés sur le rail.

Quant aux photos prises avant son arrivée et confiées à la justice, il n’a pas pu les visionner, ces dernières étant mises sous scellés. « Cela signifie-t-il que la scène n’a pas été périmétrée par la police ? », interroge Me Olivier Gruwez, qui représente une quinzaine de victimes décidées à porter plainte quand l’information judiciaire sera ouverte. Un syndicaliste présent à la réunion va dans le même sens : « On aurait pu attendre des enquêteurs qu’ils sécurisent la scène pour la laisser intacte jusqu’à l’arrivée de l’expert ».
Une probabilité infinitésimale

Autre élément de son intervention, la nature « du boulon » (sic) mis sous scellés. L’expert a affirmé ne pas avoir toutes les certitudes que le boulon saisi par la justice soit bien le boulon qui était présent sur l’éclisse au moment de l’accident. Or les boulons constituent la pièce-maîtresse dans l’explication du déraillement. Car l’origine de l’accident est désormais connue depuis plusieurs jours : il est imputable à la présence d’une éclisse dans le cœur de l’aiguillage. La question est désormais de savoir comment cette éclisse, pièce métallique d’une dizaine de kilos qui sert à l’aide de boulons à raccorder entre eux deux rails consécutifs, a pu se retrouver à cet endroit. Autrement dit, comment les boulons ont-ils pu tous lâcher pour permettre à l’éclisse d’être projetée au cœur de l’aiguillage. Sur ce point décisif, l’expert de la SNCF ne sait pas répondre. « La probabilité qu’une telle pièce se retrouve là est infinitésimale », confie un cheminot.

Chez les agents SNCF, les annonces faites lors de cette réunion par l’expert mandaté par la direction suscitent des commentaires désabusés. « Pour une enquête (la SNCF a elle aussi diligenté une enquête, NDLR) qui devait être menée sous le sceau de la transparence, on peut dire que les choses partent mal ! , déplore un cheminot. Étant donné les dirigeants sur place, on ne peut pas penser que Guillaume Pepy, le président, n’était pas au courant de ce qui allait être dit lors de cette réunion ».

Anne Jouan - LeFigaro.fr - 19 juillet 2013


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes