Vitesse, sécurité... les points-clés autour de l’accident de train en Espagne

L’Espagne a connu mercredi 24 juillet l’un des pires accidents ferroviaires de son histoire, sur la ligne Ourense – Saint-Jacques de Compostelle, l’une des plus récentes lignes du réseau ferré espagnol, inaugurée en décembre 2011. Retour sur les principales questions que soulève cette catastrophe qui a fait 80 morts.

La vitesse excessive à l’origine de l’accident :

Le train Alvia – le modèle de train capable de circuler à la fois sur les lignes à grande vitesse et sur les voies conventionnelles – a quitté les rails à l’entrée de Saint-Jacques de Compostelle, dans un virage qu’il a abordé, après une longue ligne droite de 80 kilomètres, à une vitesse excessive, ont confirmé les enquêteurs, sans donner de vitesse précise. Le conducteur du train, encore à l’hôpital, a été placé en détention.

Selon l’enregistrement audio d’un des conducteurs du train rapporté par El Pais, le train allait à 190 km/h, sur un tronçon où la limite est normalement de 80 km/h. Ce virage était réputé périlleux – lors de l’inauguration du tronçon, le 10 décembre 2011, le TGV avait fait des embardées sur ce même virage, et des passagers avaient raconté avoir perdu l’équilibre.

Si la vitesse avait déjà été pointée du doigt par le secrétaire d’Etat aux transports, Rafael Catala – qui a parlé d’une "infraction" –, l’enquête deva maintenant déterminer pourquoi le train n’a pas respecté cette limitation : problème technique ou erreur humaine.

La sécurité du réseau et du train est-elle en cause ?

La compagnie ferroviaire publique Renfe a écarté l’hypothèse d’une défaillance de matériel : "Le train n’a eu aucun problème opérationnel, il avait passé une révision le matin même", a assuré le président de Renfe, Julio Gómez-Pomar Rodríguez, insistant : "Le dossier d’entretien et de contrôle du train était parfait".

Le lieu de l’accident, 4 kilomètres avant l’entrée en gare de Saint-Jacques de Compostelle, correspond au changement de types de voies sur le tronçon Ourense-Saint-Jacques de Compostelle. Juste avant l’entrée dans l’agglomération de Saint-Jacques, la ligne à grande vitesse s’arrête et les trains retrouvent les anciennes voies à "écartement ibérique" converties.

Sur sa page de présentation de la ligne Ourense - Saint-Jacques, le gestionnaire du réseau ferré espagnol, l’ADIF, explique qu’en attendant de prolonger la ligne à grande vitesse jusqu’à La Corogne, au nord de La Galice, il a été choisi, pour ces derniers kilomètres avant Saint-Jacques de Compostelle, de convertir le tronçon d’anciennes voies pour permettre à plusieurs types de trains de circuler. Cette solution "a permis de faire des économies conséquentes dans les investissements et les coûts de maintenance", explique l’ADIF.

N’y a-t-il pas un système de sécurité qui oblige les trains allant trop vite à freiner ?

Théoriquement, si. Les lignes ferrovaires espagnoles sont équipées de deux systèmes différents de contrôle. D’une part, le système ERTMS (Système européen de surveillance du trafic ferroviaire), déployé depuis les années 1990 sur les lignes à grande vitesse des pays européens, qui permet non seulement d’alerter le conducteur s’il roule trop vite, mais également de bloquer le train s’il ne diminue pas sa vitesse.

D’autre part, le système de sécurité espagnol ASFA (Anuncio de señales y frenado automatico), qui calcule la vitesse de train, mais s’appuie sur des paramètres moins précis qu’ERTMS, et ne peut faire freiner un train qu’à partir de 200 km/h.

Or, le lieu de l’accident n’est pas équipé avec le système ERTMS (malgré les passages fréquents de TGV sur cette voie) mais du système ASFA, a dénoncé le principal syndicat des conducteurs de trains espagnol (Semaf), selon lequel l’accident aurait peut-être pu être évité si le train avait été bloqué par l’ERTMS. Le gestionnaire de réseau se défend quant à lui dans El Pais, estimant que pour une entrée d’agglomération, le système ASFA était suffisant.

Pourquoi l’accident a-t-il fait autant de victimes ?

Selon le dernier bilan officiel, 80 personnes ont été tuées et 142 blessées, sur 222 personnes (218 passagers et 4 employés). Ce bilan particulièrement lourd semble directement lié à la vitesse du train, dont certains wagons ont fait plusieurs tonneaux lors de l’accident, selon des témoignages de passagers cités par les médias espagnols.

Y a-t-il souvent des accidents de train en Espagne ?

L’Espagne a connu plusieurs graves accidents de train ayant fait des dizaines de morts : en 1972, dans la périphérie de Séville (86 morts), en 1977 entre Cadiz et Séville (77 morts), sur la ligne Madrid-Valence en 1980 (27 morts), ou plus récemment à Chinchilla (19 morts). Mais dans la quasi-totalité des cas, les accidents mortels qu’a connu le pays étaient liés à des collisions entre trains, ou, plus fréquemment, à la collision de véhicules avec un train à un passage à niveau. L’accident qui s’est produit mercredi est par ailleurs le premier survenu sur un train à grande vitesse.

Le Monde.fr - 25 juillet 2013


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