Sécurité des vols : Air France reconnaît le malaise des pilotes

Départ du numéro 3 de la compagnie, mise en place d’un comité de suivi de l’audit externe sur la sécurité des vols... Cinq mois après l’accident du vol Rio-Paris, la direction tente de rassurer ses pilotes.

SYLVAIN MOUILLARD

Une tête est tombée. Celle de Gilbert Rovetto, le numéro 3 d’Air France, directeur des opérations de la compagnie. A l’issue d’une réunion entre syndicats de pilote et la direction mercredi, on a appris qu’il s’en irait le 30 décembre de manière anticipé.

Présentée comme un départ en retraite, cette décision vise pourtant à ramener le calme dans l’entreprise, en proie à une agitation syndicale sans précédent ces dernières semaines, après les turbulences engendrées par l’accident du vol AF447 Rio-Paris.

Le 20 octobre, une lettre de la direction rappelant ses pilotes à l’ordre sur les procédures de sécurité met le feu aux poudres. Dans cette missive, le directeur des opérations aériennes, Pierre-Marie Gautron, et celui de la sécurité, Etienne Lichtenberger, estiment que de récents incidents d’exploitation sont imputables au non-respect des procédures de vols par certains pilotes, voire à une situation de « surconfiance ».

Union sacrée syndicale

Des attaques inacceptables pour les syndicats d’Air France, qui, de manière inédite, font cause commune. Le SNPL, organisation majoritaire, dénonce alors un « amalgame qui vise à faire porter la responsabilité exclusive de l’ensemble de ce dossier - l’accident de l’AF447 ou ces incidents d’exploitation - sur les pilotes ».

Une aubaine pour deux organisations minoritaires, Alter et le SPAF, en pointe depuis juin le problème de la « sécurité des vols », et qui menacent même de déposer un préavis de grève si leurs demandes ne sont pas entendues.

Cette union sacrée syndicale a donc forcé le directeur général d’Air France, Pierre-Henri Gourgeon, à réagir, en obtenant notamment le départ de Gilbert Rovetto. Une inflexion saluée par Erick Derivry, porte-parole du SNPL, qui reconnaît un « changement de direction et une prise de conscience du malaise ».

Rassurer, « sans tabou ni exclusive »

François Hamant (Alter) regrette lui que la direction ait encore une fois pris cette décision en comité restreint, avec le seul SNPL. Mais dans le fond, il salue « l’évolution très favorable » de Pierre-Henri Gourgeon sur le « diagnostic », qui « prend acte d’une situation mauvaise et d’une perte de confiance des pilotes ».

Le directeur général de la compagnie aérienne, dans une lettre adressée aux syndicats et dont Libération.fr a obtenu copie, écrit en effet à propos de l’accident de l’AF447 que « rien ne laisse penser qu’il y ait faute de l’équipage, c’est en tout cas mon intime conviction ».

S’efforçant de rassurer ses interlocuteurs, Gourgeon affirme que « l’enjeu est de réexaminer, sans tabou ni exclusive, tout ce qui fait notre sécurité aérienne dans son organisation et dans ses pratiques ». Le directeur général d’Air France détaille cet engagement, qui, a priori, répond aux inquiétudes des syndicats.

« Révolution culturelle dans la sécurité »

Il annonce ainsi la mise en place d’un « comité de suivi » composé de l’ensemble des syndicats de pilotes. Il sera mis en relation avec l’audit externe sur la sécurité des vols qui doit commencer son travail d’ici 15 jours, et sera chargé de la mise en oeuvre de ses recommandations.

Mais pour François Hamant, cette mesure n’est pas suffisante. « Nous avons demandé et obtenu une réunion le 13 novembre prochain pour que la direction détaille les modalités des réformes engagées », précise-t-il.

Parmi les revendications d’Alter, la mise en place d’un comité de réforme composé de l’ensemble des forces syndicales de l’entreprise et d’une structure pérenne qui examine toutes les réformes sous le prisme de la sécurité des vols. Objectif : parvenir à une « révolution culturelle dans la sécurité ».

Crise de confiance entre les pilotes et le management

Pour François Hamant, Air France doit « accepter le regard critique des organisations syndicales ». Selon lui, l’entreprise « a été rattrapée par le souci de gains de productivité, de la performance financière. On a alors rogné sur certaines dépenses. Aujourd’hui, la sécurité est menacée. Par exemple, quand un équipement fonctionne moins bien, on est tenté de le remplacer uniquement en cas de panne ».

Erick Derivry, lui, souligne la « nécessité de trouver un équilibre entre les contraintes économiques et le niveau de sécurité », mais il reconnaît aussi une « incompréhension entre les pilotes et le management, un terrain miné depuis plusieurs années ».

Si les syndicats se disent tous deux « vigilants », Alter brandit toujours la menace d’une grève. « Cela dépendra de l’issue de la réunion du 13 novembre », précise François Hamant.

Source : libération, le 05/11/09.


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