Fréjus commémore les 50 ans de la catastrophe du barrage

Le 2 décembre 1959, le barrage cédait, libérant une vague qui tua 423 personnes. Le drame suscita, en France, un élan de solidarité phénoménal.

Il lui aura fallu cinquante longues années avant de pouvoir enfin se raconter. Le 2 décembre 1959, à 21 heures, Simone Mercier a perdu son père, sa mère, un oncle, une tante et deux jeunes cousines. Le barrage de Malpasset, en amont de Fréjus, venait de céder : une gigantesque vague, déferlant à plus de 70 km à l’heure dans l’étroite vallée, emportait 423 vies.

« Pendant tout ce temps, la douleur, mais aussi la peur d’être pris en pitié, la pudeur et le manque de mots, ont empêché les rescapés de parler », témoigne enfin cette institutrice à la retraite, alors que Fréjus s’apprête à commémorer le cinquantenaire de la tragédie - l’une des plus grandes catastrophes civiles que la France ait connues.

La semaine prochaine, un mémorial en souvenir des disparus sera inauguré à Fréjus. Sur ces six colonnes dressées vers le ciel, le sculpteur a inscrit la phrase lancée par le général de Gaulle après le drame : « Que Fréjus renaisse ! »

« Hospitalisée après cette nuit funeste, je n’ai rien su de ce qui passait dehors, relate Simone Mercier, 12 ans à l’époque, présidente de l’Association du cinquantenaire de la catastrophe de Malpasset. C’est à l’occasion de la préparation de cet anniversaire, au travers des films, des témoignages et des photos que j’ai pris conscience de l’ampleur des dégâts. » Sur son passage, la vague de 50 millions de mètres cubes d’eau a ravagé campagnes et fermes jusqu’à la mer : la zone entière est dévastée. Certaines familles ont été décimées. À Fréjus, chacun connaît une victime, parmi ses parents, ses voisins ou ses amis. Le drame suscitera, en France, un élan de solidarité phénoménal.

Le traumatisme est encore présent

Cinquante ans après, le traumatisme est encore présent. Michel Infantolino, le frère de Simone, ne pleure plus en évoquant la disparition de ses parents, le deuil impossible, les cauchemars et les années de solitude affective et de détresse dans un internat marseillais. Mais il lui a fallu très longtemps pour accepter. « Cet événement a donné une autre tournure à ma vie », dit-il.

Ce soir-là, Michel dormait dans sa chambre avec son petit frère Louis. Lorsqu’il s’est réveillé, l’eau avait emporté leur lit à une cinquantaine de mètres. Il faisait nuit noire. La maison était rasée. « Je ne m’explique pas comment nous nous en sommes sortis , ni pourquoi », se demande cet éducateur spécialisé, qui a refondé une famille en Suisse.

Après plusieurs années d’enquête judiciaire, la catastrophe de Malpasset sera attribuée à la fatalité. En 1971, un arrêt du conseil d’État conclut en effet à une absence de faute. L’emplacement du barrage, construit sur une roche peu homogène, est en revanche pointé par les experts, ainsi que des failles géologiques qui n’ont été « ni décelées, ni soupçonnées » pendant les travaux de prospection. En cause aussi, les fortes précipitations enregistrées dans les semaines précédant le drame. Pour les rescapés, « toute la vérité n’a pas été dite », mais l’heure est au recueillement , disent-ils.

Mercredi prochain, Simone, Michel et leurs frères et sœurs seront donc réunis à Fréjus en souvenir de leurs parents, morts à l’âge de 38 et 49 ans. Avec ce mémorial, la présidente de l’association a « l’impression de faire quelque chose pour eux, de leur donner une seconde vie ».

Source : Le Figaro, le 27/11/09.


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