AF447 : le casse tête des indemnisations

Les juges brésiliens ont condamné Air France à payer 825.000 euros à la famille d’une victime du crash Rio-Paris. Les familles françaises peuvent demander des indemnités équivalentes, selon Jean-Pierre Bellecave, avocat spécialisé dans les accidents aériens.
Deux millions de réaux, soit 825.000 euros, c’est le montant des indemnités allouées par la justice brésilienne à la famille d’une passagère du vol Rio-Paris qui s’est abîmé en mer le 1er juin 2009.

Cette indemnisation, dont le montant a étonné, ne choque pas Jean-Pierre Bellecave, avocat au cabinet Martin-Chico et associés, spécialisé dans les accidents aériens. Bien au contraire, il estime même que les 78 familles de victimes françaises peuvent demander des indemnités similaires. « Il n’existe en France aucun plafond pour limiter les indemnités dues aux familles des victimes d’un accident aérien », assure Jean-Pierre Bellecave.

Pas de plafond aux indemnités

Le montant parfois avancé d’environ 150.000 euros n’est, selon lui, qu’une mauvaise interprétation de la convention de Montréal par les assureurs. Ce texte, qui prévoit l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, a été ratifié à Montréal le 28 mai 1999 et est entré en vigueur le 28 juin 2004. Les assureurs espèrent ainsi empêcher l’octroi de fortes compensations et militent pour l’instauration d’un barème légal.

« Le montant de 100.000 droits de tirage spéciaux (Dts) par passagers, soit environ 100.000 à 150.000 euros, est effectivement évoqué dans l’article 21 de la convention de Montréal. Il ne s’agit en aucun cas d’un plafond mais du seuil d’indemnités en deçà duquel le transporteur est considéré comme responsable et ne peut contester. Au-delà il est autorisé à prouver que les dommages causés ne sont pas de son fait », précise l’avocat. Il ajoute que la convention de Montréal est très protectrice des victimes car apporter cette preuve revient à faire la démonstration des causes de la négligence, ce qui est quasiment impossible.

Préjudice moral mal indemnisé

Pas de limite liée au montant des indemnités donc, et surtout l’affirmation qu’en droit français, le juge est libre d’évaluer les préjudices subis et d’estimer le montant de la compensation nécessaire. « La décision brésilienne n’a rien d’étonnant. Les juges ont pris en compte le préjudice moral - le prix du chagrin- et le préjudice économique. Le premier a été estimé à 250.000 euros, à répartir entre tous les membres de la famille », explique Jean-Pierre Bellecave, qui regrette que le préjudice moral soit très mal indemnisé en France.

« L’Allemagne ne reconnaît pas le préjudice moral, c’est une position. Mais je trouve scandaleux que la France qui le reconnaît, n’offre que des miettes ». La perte d’un conjoint donne droit à 30.000 euros, celle d’un parent 25.000 euros. A titre de comparaison, la loi italienne prévoit 205.000 euros pour la mort d’un époux. Selon l’avocat, une action collective même si ce type de démarches n’existe pas en France en tant que telle - pourrait permettre aux familles des victimes de bénéficier d’indemnités plus conséquentes, le Brésil ayant ouvert la voie. Soixante des soixante-dix huit familles françaises victimes de la catastrophe sont aujourd’hui regroupées dans une association, Jean-Pierre Bellecave, croit qu’elles ont une carte à jouer. Pour faire mieux reconnaître leur préjudice.

Anne-Hélène POMMIER Lefigaro.fr


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