C’est le djihadisme qui provoque la guerre

« Lâchement, cruellement, honteusement » : François Hollande a eu les mots justes. L’assassinat, mercredi 24 septembre, du Français Hervé Gourdel par le groupe islamiste Jund Al-Khalifah, en Algérie, est un geste barbare.

Dans l’après-midi, devant l’Assemblée nationale, le premier ministre, Manuel Valls, a défendu la participation de la France à la lutte contre le djihadisme au Moyen-Orient. Il a obtenu un large consensus politique pour soutenir l’implication directe de Paris dans cette bataille. C’est une bonne chose. Et il serait souhaitable qu’il en aille ainsi de façon durable. Mais, passé la nausée et l’émotion du moment, une question, parfaitement légitime, ne manquera pas d’être posée : la France va-t-elle payer un prix particulier ?

Le groupe Jund Al-Khalifah l’affirme. Dans la vidéo qu’il a adressée à Paris, intitulée « Message de sang pour le gouvernement français », il le somme de ne plus participer aux bombardements aériens contre l’« Etat islamique » (EI), ce groupe djihadiste contrôlant un immense territoire entre la Syrie et l’Irak. Il dénonce cette France laïque qui « interdit l’application de la loi de Dieu ».

La vérité s’impose : l’EI n’a pas attendu la campagne de bombardements menée contre lui pour pratiquer le terrorisme sous toutes ses formes. Il est riche, assez puissant, très bien armé. Il diffuse une idéologie totalitaire, pratique l’épuration ethnique et religieuse et le massacre à grande échelle. Cela fait des mois qu’il proclame son intention de s’en prendre, de façon indiscriminée, aux « Occidentaux ». C’est bien le djihadisme qui provoque la guerre. Pas l’inverse.

L’EI MENACE D’ÉTENDRE LE CHAOS DANS NOTRE VOISINAGE DIRECT

Ce qui ne doit pas empêcher de poser une deuxième question, tout aussi légitime : quelle est la réalité de la menace que fait peser l’EI sur les pays européens ? Elle existe, à plus d’un titre, et pas plus la France que ses voisins n’y échappera.

Il est illusoire et irresponsable d’imaginer que l’immense chaos moyen-oriental restera cantonné à la région. Il s’étend, comme le montre la toile informelle des groupes agissant au nom du djihad, du Nigeria au Cameroun, en passant par le Maghreb et l’Afrique sahélienne. Réalité stratégique : l’EI menace non pas de déstabiliser la France, encore moins l’Europe, mais d’étendre le chaos dans notre voisinage direct.

Enfin, il y a la séduction morbide exercée par le djihad dans une frange des populations musulmanes européennes. Le suspect français Mehdi Nemmouche n’a pas attendu la campagne anti-EI en Irak pour perpétrer la tuerie du Musée juif de Bruxelles…

Autant de raisons d’essayer de contenir l’Etat islamique. Mais la force n’y suffira pas. L’EI s’épanouit sur les ruines de la Syrie et de l’Irak. La situation requiert une immense mobilisation diplomatique, impliquant les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie et même l’Iran. Celle-ci n’est pas au rendez-vous.

LE MONDE. fr - le 25.09.2014

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