9 ans après le crash de la Vèze : trois personnes seront jugées

Huit ans d’instruction, durant lesquelles se sont succédé six juges et trois procureurs de la République. L’attente a été douloureuse pour les familles.

Huit ans et demi après le crash d’un avion de transport sanitaire qui avait fait trois victimes, à l’aéroport de La Vèze, le 19 octobre 2006, l’instruction est officiellement bouclée. Mardi, les deux juges d’instruction co-saisis sur ce dossier complexe ont signé l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de trois personnes : le propriétaire de la compagnie d’aviation, un contrôleur et un employé de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile).

Ce jour-là, à 0 h 40, le Beechcraft de la compagnie Flowair, venu de Lyon, décolle avec, à son bord, deux médecins de l’équipe de greffe hépatique du CHU de Besançon à destination d’Amiens. Pierre-Olivier Dénué, 34 ans, et Benjamin Ramus, 26 ans, partent prélever un foie qui sera transplanté dans les plus brefs délais à leur retour.

Les lacunes du pilote
Aux commandes de l’appareil, Barthélémy Maresma, 48 ans, est accompagné de Fabien Parot, 35 ans, qui, en formation sur cet appareil, n’a que le statut d’observateur. L’avion roule trop longtemps, deux fois plus que nécessaire, ne prend pas suffisamment d’assiette et percute les arbres d’un petit bois situé à 250 m du bout de la piste. L’avion s’enflamme, il n’y a aucun survivant.

Très rapidement, l’enquête pointe les déficiences du pilote qui n’aurait jamais dû se retrouver aux commandes d’un strict point de vue légal. Il ne pouvait se prévaloir de détenir le sésame pour piloter aux instruments pour avoir raté à sept reprises ses tests d’anglais aéronautique. Mais cette mention figurait pourtant sur son livret de pilote.

D’anciens employeurs décrivent également un homme possédant, certes, des qualifications mais présentant de sérieuses lacunes pour se repérer dans l’espace. Ils ne l’ont pas gardé dans leur équipe après lui avoir fait passer le stage d’adaptation à l’exploitant. Une batterie de tests en huit étapes absolument impératives, au sol, en vol, hors ligne et en ligne (c’est-à-dire d’une ville à une autre) qui sera totalement bâclée mais validée lors de l’embauche par Flowair. C’est pour cela que le gérant de la compagnie et le pilote examinateur de cette séquence sont poursuivis pour homicide involontaire avec comme circonstance aggravante, la violation manifeste de cette procédure. Ils encourent cinq ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende.

La troisième personne poursuivie est un contrôleur aérien de la tour de l’aérodrome de Bron qui a, pour une raison incompréhensible, redonné à Barthélemy Maresma sa qualification de vol aux instruments (IFR) quelques heures avant le vol funeste. Celle-ci lui avait été attribuée une première fois par erreur, au moment de la réforme du permis des pilotes professionnels, puis retirée un an plus tard par une employée consciencieuse.

Chaque accident d’avion résulte de la succession de failles qui conduisent à la catastrophe. L’instruction, en renvoyant trois personnes devant le tribunal, estime que leur responsabilité est « indirecte mais certaine ».

Pour donner une idée de ce soir tragique, au décollage de Bron, le pilote à qui la tour demandait de virer à gauche, a tourné à droite survolant ainsi la ville de Lyon (ce qui est formellement interdit) et pris enfin une mauvaise altitude qui aurait pu gêner d’autres aéronefs circulant à cet instant.

« Un soulagement ! »

« Un procès neuf ans après les faits, ça n’a pas de sens », soupire Bruno Ramus, père de l’un des chirurgiens décédé dans le crash et aujourd’hui vice-président de la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs mais aussi porte-parole de l’Association des familles du crash de La Vèze. « Mais c’est aussi un soulagement après cette interminable attente. Il n’y a que ceux qui éprouvent qui peuvent comprendre ce que nous éprouvons. » Le procès va aussi « permettre de débloquer la procédure que nous avons engagée devant le tribunal administratif contre la DGAC, ou encore d’engager des demandes d’indemnisation aux assurances car, pour l’instant, tout est gelé ». Les familles s’attendent à un procès long, de trois ou quatre jours, derrière lequel il y aura certainement appel. Éprouvant aussi car il leur faudra revivre le drame neuf ans après. Les familles des victimes font part d’une autre satisfaction : « C’est désormais une juridiction spécialisée qui gérera ces dossiers complexes. Christiane Taubira a signé ».

estrepublicain.fr - le 18.03.2015


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