Costa Concordia : que reste-il du traumatisme psychique chez les rescapés ?

Des chercheurs ont réalisé une étude visant à évaluer l’impact psycho-traumatique du naufrage du paquebot de croisière Concordia auprès des survivants français.

TRAUMATISME. La tragédie, largement médiatisée, est encore dans toutes les mémoires. Le 13 janvier 2012, le navire de croisière Concordia de la compagnie Costa faisait naufrage près des côtes italiennes, accident qui coûta la vie à 32 personnes - dont 6 Français. Publiée trois ans après les faits, une étude française a cherché à évaluer les conséquences psycho-traumatiques à court et moyen terme chez les rescapés français, soit 110 femmes et 88 hommes, âgés de 19 à 85 ans.

Publiée dans le dernier numéro des Annales Médico-Psychologiques, cette étude avait pour objectif d’évaluer l’état de stress post-traumatique (ESPT) des victimes et à mettre en relation l’évolution des symptômes avec certaines caractéristiques des naufragés ainsi qu’avec les modalités de prise en charge. Comme le soulignent les médecins et chercheurs du Centre européen sur le risque, le droit des accidents collectifs et des catastrophes (CERDACC) de l’université de Haute-Alsace à Mulhouse et leurs collègues de l’UFR de psychologie de l’université Paris-Descartes, l’échantillon composé par ces 198 naufragés était très homogène : tous ont en effet été exposés directement à un même événement potentiellement traumatique dans lequel des victimes sont décédées. Et tous ont redouté une issue fatale pour eux-mêmes ou leurs proches au cours d’"une heure et demie à trois heures d’angoisse et de panique sur le bateau en train de couler, puis une période longue d’évacuation et d’errance sur l’île avant que les secours ne s’organisent".

L’analyse des données collectées, récoltées via un auto-questionnaire réalisé à deux reprises, à six mois et un an après l’événement traumatisant, a permis de mettre plusieurs points en exergue :

- Une amélioration en moyenne de l’état psychologique des rescapés à 6 mois. Plus précisément, 47 rescapés ont eu une évolution positive du score de l’ESPT (24%), 142 sont demeurés stables (72 %) et 9 ont vu leur état évoluer de façon négative (5 %).

- l’amélioration est plus marquée chez les femmes que chez les hommes entre 6 mois et un an après l’événement, bien que les femmes présentent un score de l’ESPT plus élevé que les hommes à 6 mois.

- Aucun bénéfice significatif lié à la prise de psychotropes à la suite du naufrage n’a donc pu été observé. En effet, chez les 81 personnes (40,9%) qui se sont vus prescrire des médicaments psychotropes par des médecins, le score de l’ESPT n’a pas varié durant la période de 6 à 12 mois après le naufrage. Les chercheurs ont cependant noté une tendance à une diminution des scores chez les rescapés qui n’avaient pas consommé de psychotropes.

- Une majorité de naufragés (78%) qui avaient rencontré un intervenant de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) dans les jours qui ont suivi la catastrophe ont par la suite consulté un médecin ou un psychothérapeute. Ils n’ont été que 57% à la faire lorsqu’ils n’avaient pas bénéficié de cette aide.

- Les chercheurs n’ont pas pu établir le mode de prise en charge médico-psychologique suivi par la plupart des rescapés. Seuls 5 d’entre eux ont en effet détaillé leur traitement. Trois ont ainsi suivi de séances d’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), une thérapie consistant à faire effectuer des mouvements oculaires bilatéraux pour "reprogrammer" le mental après un traumatisme ; un autre une thérapie comportementale et cognitive (TCC) ; le dernier a eu recours à l’hypnose. Impossible donc dans ces conditions de tirer aucune conclusion pertinente sur l’efficacité de ces méthodes.

Une aide immédiate nécessaire, mais pas suffisante

En résumé, une chose est sûre pour les auteurs de l’étude : "si une aide immédiate est nécessaire, elle ne saurait suffire". De fait, l’expression des symptômes liés au traumatisme psychique s’atténue au fil du temps, mais l’image traumatique peut ressurgir, comme en témoignent les réactions des rescapés 20 mois après le naufrage, à la suite de la médiatisation des opérations de renflouement de l’épave. Et les chercheurs de souligner que les survivants ont alors spontanément témoigné un "chagrin immense", une "tristesse sans précédent", ainsi que d’un "état de dépression qu’ils pensaient avoir dépassé".

sciencesetavenir.fr - le 14.04.2015


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