Les ratés de l’après-Xynthia

Un rapport sénatorial déplore la lenteur des opérations de réfection des digues et l’insuffisante prise en compte du risque inondation dans les documents d’urbanisme.

Quarante-sept personnes décédées, plusieurs milliers d’habitants évacués, plus de 2,5 Mds€ de dégâts... cinq ans après le passage de la tempête Xynthia sur le littoral atlantique, le 28 février 2010, l’Etat et les élus ont-ils bien pris la mesure des actions à mener sur le terrain pour éviter un drame similaire ? Un rapport sénatorial dévoilé aujourd’hui, que nous avons pu consulter, en doute sérieusement.

Des repères de crue toujours pas installés. Parmi les dix recommandations du sénateur (les Républicains) des Pyrénées-Orientales François Calvet et de son homologue (PS) de la Somme Christian Manable figure en tête l’urgence pour les communes situées en zone inondable de déployer des repères de crue. Ce sont des marques posées sur la pile d’un pont ou les berges d’une rivière.

« Dans les communes touchées par la tempête Xynthia, l’Etat en avait distribués 2 000, mais seuls 295 ont été posés à ce jour », affirme le rapport. « Nous déplorons le recours trop faible à cet outil de visualisation du risque car la mémoire humaine oublie vite », souligne Christian Manable.

Des réparations de digues qui traînent en longueur. Dans les zones les plus touchées par la tempête, 45 km de digues devaient être confortées, 23 km rehaussées et 8 km créées. Soit 76 km de travaux programmés. Depuis 2013, seuls 10 km ont été bouclés. « La multiplicité des intervenants et les coûts financiers qui pèsent sur les collectivités locales n’ont pas permis la réalisation des travaux escomptés », constate le rapport. « Il peut aussi y avoir dans certaines zones jusqu’à 99 propriétaires de portions de digues différents, d’où la difficulté à les recenser et à faire ensuite accepter ces travaux », souligne François Calvet.

Un risque d’inondation insuffisamment pris en compte. Le rapport sénatorial souligne les « difficultés rencontrées par les représentants de l’Etat pour élaborer, jusqu’à leur approbation, les plans locaux de prévention des risques d’inondation (PPRI) ». « A La Faute-sur-Mer, le PPRI a encore été annulé le 29 janvier dernier, souligne le rapport sénatorial. Cette situation résulte de divergences de fond avec certains élus locaux qui, sous la pression de leur population, résistent aux contraintes parfois fortes qui peuvent en résulter. »

Un système d’alerte pas encore au point. « Même s’il y a eu des avancées, les plans communaux de sauvegarde qui permettent d’organiser les secours ne sont pas encore bien développés », estime François Calvet. La tempête Xynthia avait par ailleurs révélé l’inefficacité d’un système d’alerte vétuste reposant principalement sur des sirènes datant des années 1950. Ce réseau d’alerte est « en cours de modernisation » et 5 000 sirènes de nouvelle génération doivent être déployées. Mais les sénateurs préconisent d’aller plus loin en s’inspirant des Pays-Bas et d’Israël qui envoient des SMS spéciaux à la population en cas d’alerte. Même en cas de saturation du réseau, le message peut être envoyé sur votre mobile et, si votre téléphone est éteint, il est automatiquement rallumé pour transmettre le SMS d’alerte.

« Qu’est-ce qui a changé ? Pas grand-chose »
La Faute-sur-Mer, la commune de Vendée où François Anil vit toujours, avait été la plus touchée par Xynthia : 29 personnes y avaient péri. Aujourd’hui, ce retraité reste inquiet. « Qu’est-ce qui a changé ? Pas grand-chose, soupire-t-il. En février, j’ai découvert un tout nouveau repère de crue à deux pas de chez moi, mais cette borne de béton n’était pas à la bonne hauteur. Elle indiquait 35 cm alors qu’elle aurait dû être à 1,30 m au-dessus du niveau de la mer. » Cet esprit cartésien est donc allé vérifier les autres : « Il y avait beaucoup d’erreurs. Elles sont donc en train d’être reconstruites. »
L’ancien ingénieur avait prévenu de la fragilité des digues dès 2009. Sa connaissance du danger lui a sauvé la vie. Lorsque la vague a déferlé, il s’est hissé sur un buffet, derrière un mur porteur, avec sa femme. Les cloisons et les portes de sa maison ont été emportées. « Depuis l’arrivée du nouveau maire, il y a du mieux », reconnaît François Anil. Le chantier des digues avance.
« Derrière ma maison, il reste 750 m à renforcer côté rivière. Mais, face à une marée exceptionnelle, l’eau passera au-dessus comme en 2010 », constate-t-il tout de même. Il regrette l’annulation, en janvier, du plan de prévention « parce que les associations de propriétaires étaient contre », raconte-t-il, blasé.Forcément, un terrain qui passerait en zone rouge, non constructible, ne vaudrait du jour au lendemain plus un centime.

Crédit photos : Source : www.leparisien.fr Auteur : Émilie Torgemen Date : 07/07/2015

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