Affaire AZF : l’Etat devant le tribunal administratif

TOULOUSE (AP) — Le tribunal administratif de Toulouse a examiné jeudi matin les requêtes indemnitaires et une demande de condamnation de l’Etat déposées par trois anciens riverains de l’usine AZF qui invoquent les "fautes commises par l’Etat dans le contrôle et la surveillance de l’installation classée Seveso", dont l’explosion le 21 septembre 2001 a fait 31 morts et plus de 2.000 blessés.

La décision sera rendue d’ici un mois.

Cette audience est intervenue neuf mois après le procès pénal de la catastrophe industrielle devant le tribunal correctionnel de Toulouse qui avait conclu en novembre 2009 à la relaxe "au bénéfice du doute" de l’ancien directeur de l’usine AZF Serge Biechlin et de son propriétaire Grande Paroisse. Total et son ancien PDG Thierry Desmarest avaient été également "mis hors de cause". Le parquet et les parties civiles ont fait appel.

A l’issue de ce procès hors norme de quatre mois, le président du tribunal Thomas Le Monnyer avait justifié la relaxe des deux prévenus poursuivis pour "homicides et blessures involontaires" et "destruction de biens" par le lien de causalité "incertain" entre "la faute organisationnelle" au sein de l’usine et "les dommages" de l’explosion.

Déposée en septembre 2005, la requête indemnitaire devant le tribunal administratif est portée par trois riverains, membres de l’association "Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs", et vise l’Etat en la personne du préfet de la Haute-Garonne et ses services déconcentrés, notamment la Drire, actuelle Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Chaque requérant demande à l’Etat 10.000 euros au titre du préjudice moral subi.

Sur la base de plusieurs rapports officiels qui ont suivi la catastrophe et des conclusions du procès pénal, ces particuliers dénoncent "les multiples manquements dont a fait preuve l’Etat et ses services déconcentrés dans l’application de la législation relative aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), au droit de l’urbanisme mais aussi dans la transposition des directives européennes applicables en la matière".

"Il s’agit du procès de l’Etat pour ses carences manifestes dans le contrôle d’installations classées dont l’exercice a justement pour objet d’assurer la sécurité des citoyens", a plaidé devant les juges l’avocat des requérants, Me Xavier Larroy-Castéra, en soulignant "le laisser-aller", "la défaillance" des services de la Drire et l’absence de contrôles notamment dans le fameux hangar 221, mis en cause dans l’explosion.

"L’Etat a manqué gravement et de façon répétée à ses obligations. Alors que durant les six années qui ont précédé l’explosion, il a pu constater les infractions et les multiples entorses de l’exploitant à l’arrêté préfectoral qu’il était tenu de respecter, l’Etat n’a prononcé aucune mise en demeure", a-t-il ajouté.

Un manquement pointé par le rapporteur public durant l’audience qui a rappelé qu’"aucune infraction n’avait fait l’objet d’une lettre de rappel de l’administration à l’exploitant". Le magistrat s’est néanmoins prononcé pour le rejet des requêtes au motif que "l’existence d’un lien de causalité entre la faute de l’Etat et les dommages liés à l’explosion n’a pas pu être déterminé".

Pour l’avocat des requérants, qui s’est déclaré satisfait que la "carence de l’administration dans l’exercice de son pouvoir de police en matière d’installation classée" et ses fautes dans l’application et la transposition des directives européennes "aient été reconnues" par le rapporteur public, la décision du tribunal pourrait avoir "valeur d’exemple".

"Le lien de causalité pose une fois encore des difficultés. Pourtant, dans leur rapport final, les experts judiciaires désignés par le tribunal correctionnel ont bien conclu que l’explosion aurait pu être évitée si les dispositions réglementaires en vigueur avaient été respectées", a ajouté Me Xavier Larroy-Castera.

Le 02/09/10, AZP, le Nouvel Obs.com


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