Les sociétés d’autoroutes en guerre contre la somnolence

La somnolence au volant, première cause de mortalité sur autoroutes, devrait être réprimée. Cette demande va être soumise mercredi au cours d’une réunion entre Michèle Merli, déléguée interministérielle à la Sécurité routière, et l’Asfa, l’Association des sociétés françaises d’autoroutes, qui en est à l’origine. « On veut que toute personne roulant en état d’hypovigilance soit sanctionnée », explique Pierre Coppey, vice-président de l’Asfa, en rappelant que, sur les autoroutes, une mort sur trois est due à un assoupissement, soit 50 décès sur 151 en 2009. Une estimation qui avait déjà été communiquée en 2008 à la suite d’une toute première étude sur la question mais qui, au grand dam des responsables d’autoroutes, est restée sans suite.

La mise en œuvre de cette interdiction semble toutefois compliquée, l’endormissement ne se mesurant évidemment pas comme le taux d’alcool. Afin de rassembler des éléments concrets, Pierre Coppey souhaiterait que la prise de médicaments soit contrôlée. « Certains sont incompatibles avec la conduite car ils font dormir. Des contre-indications qui ne sont pas souvent respectées. »

En outre, soulignent les responsables d’autoroutes, des « signes » attestent d’un état d’assoupissement, comme le non-respect des distances de sécurité, la trajectoire zigzagante d’un véhicule, des ouvrages percutés, des bandes blanches franchies… Chaque année, une centaine d’engins de signalisation sont percutés par des voitures et des camions qui franchissent la bande d’arrêt d’urgence. Des écarts aux conséquences parfois dramatiques. « Deux employés ont dernièrement été tués par deux conducteurs qui se sont endormis », déplore Pierre Coppey, par ailleurs président de Vinci Autoroutes. Selon lui, ces franchissements devraient être davantage sanctionnés avec la perte de 6 points au lieu d’un seul aujourd’hui. Autre nouvelle réglementation demandée : mieux faire respecter la neutralisation des voies telle que des interdictions en raison de travaux. L’Asfa réclame aussi que les temps de repos obligatoires pour les conducteurs de poids lourds de plus de 3,5 tonnes s’appliquent également à ceux conduisant des véhicules utilitaires légers.

Enfin, l’association s’interroge sur le bien-fondé de l’usage des régulateurs de vitesse. Ce système qui bloque la voiture à une allure précise contribue, selon elle, à la somnolence. « Entre les véhicules récents qui offrent un confort absolu, une chaussée tout aussi confortable, le risque d’endormissement est particulièrement important », souligne le numéro deux de l’Asfa, convaincu que ce fléau touche aussi les autres axes routiers. « Il est temps que les pouvoirs publics en prennent conscience et s’en préoccupent », dit-il : « Des vies pourraient être sauvées. »

Professeur au CHU de Bordeaux où il dirige la clinique du sommeil et par ailleurs responsable d’une équipe travaillant sur le sommeil au CNRS, Pierre Philip estime qu’il y a urgence à agir. Première étape : mesurer l’ampleur du risque totalement ignoré à ce jour. L’hypovigilance ne figure pas en effet sur les analyses statistiques nationales. Les bulletins d’analyse des accidents corporels (BAAC) remplis par les forces de l’ordre ne mentionnent pas la somnolence comme cause possible du sinistre. « Des études anglo-saxonnes indiquent que la somnolence représente 20 % des accidents », souligne Pierre Philip estimant que des campagnes de prévention devraient être lancées sur le sujet. « On parle de l’alcool et de la drogue. Mais des jeunes parfaitement responsables qui décident de ne pas boire pour prendre le volant et raccompagner les copains finissent quand même dans le fossé, car à 4 heures du matin ils s’endorment. Ce n’est pas tolérable », dit-il.

L’inertie des pouvoirs publics est d’autant plus regrettable, selon lui, qu’il existe en France nombre de structures spécialisées sur le sommeil ainsi que des traitements efficaces contre la somnolence. « Il faut juste ouvrir les yeux sur le problème et décider de s’en préoccuper » , conclut le spécialiste.

Angélique Négroni, Le Figaro, le 5 octobre 2010


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes