Victimes Xynthia : Corinne Lepage au front

Une élue et son fils pointés du doigt après la tempête qui a fait 29 morts dans la commune. L’avocate des victimes veut une information judiciaire

Françoise Babin est toujours première adjointe au maire de La Faute-sur-Mer (Vendée). En charge de l’urbanisme, elle se trouve aux avant-postes dans le conflit qui oppose la mairie à la préfecture sur le futur plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) : 90 % de la commune deviendraient inconstructibles.

Philippe Babin est toujours dans l’immobilier, à l’enseigne L’Agence de la Plage. On l’a vu début août dans les tribunes du stade de Nantes, le jour du match de solidarité au profit des victimes de Xynthia. Sa propre maison est l’une des 184 habitations qu’une nouvelle expertise a sorties des zones noires.

La tempête du 28 février a tué 29 personnes à La Faute-sur-Mer. La plupart résidaient aux Doris et aux Voiliers, deux lotissements construits dans « la cuvette de la mort », selon l’expression du préfet de la Vendée. Au lendemain de la catastrophe, Françoise Babin et son fils, Philippe, avaient été pointés du doigt. La première pour avoir été membre de l’association foncière urbaine qui, au début des années 2000, avait réalisé les Doris sur « des prés à vaches où affleurait l’eau à chaque grande marée », dixit un habitant. Le second pour être le promoteur des Voiliers, bâti lui aussi en zone potentiellement inondable, entre la rivière le Lay et l’Océan. Dans les deux cas, les services de l’État n’y avaient rien trouvé à redire.

Conflit d’intérêts ?

Une élue dont les terrains sans valeur deviennent urbanisables. Puis qui signe comme adjointe plusieurs permis de construire la concernant. Et qui en fait de même pour le lotissement de son fils. Vous avez dit conflit d’intérêts ?

Les grands mots sont lâchés. « C’est une question que l’on ne peut pas ne pas se poser, avance prudemment un observateur. Il faut se donner les moyens d’y répondre. » « L’enquête le dira, ajoute un autre, mais le mélange des genres peut être critiquable sur un plan moral sans qu’il y ait pour autant faute pénale. »

Le parquet du tribunal des Sables-d’Olonne a été saisi de 40 plaintes contre X déposées par les familles des victimes. Elles visent des faits d’homicides involontaires, mise en danger de la vie d’autrui et prise illégale d’intérêts. L’enquête préliminaire a été confiée à la Direction générale de la gendarmerie nationale. « La priorité, c’est de savoir comment ça s’est passé, explique le procureur, Thierry Dran. Le conflit d’intérêts ne viendra qu’après quand il s’agira d’établir d’éventuelles responsabilités. Il est acquis que Mme Babin n’avait pas participé au vote du Conseil municipal autorisant le lotissement des Doris. A priori, les permis de construire étaient légaux. Mais il peut y avoir d’autres éléments que nous vérifierons plus tard. » Selon le procureur, si les enquêteurs ont réalisé une cinquantaine d’auditions, ils n’ont pas encore entendu les Babin mère et fils. « Ils se les gardent pour la bonne bouche », ironise un sinistré des Doris.

Information judiciaire

Pour l’avocate des plaignants, Corinne Lepage, il est temps de passer la vitesse supérieure. Même si elle a « le sentiment que le parquet a travaillé », elle envisage « avant la fin du mois d’octobre » de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction. « C’est le seul moyen pour qu’une information judiciaire soit ouverte et pour que nous ayons enfin accès au dossier. »

Reste que Xynthia ne semble pas avoir freiné la boulimie immobilière des élus de La Faute. La commune a acheté un ancien terrain militaire qu’elle veut transformer en lotissement. L’ennui, c’est qu’il se trouve en dessous de la cote minimale retenue par le PPRI. Qu’à cela ne tienne, la mairie a entrepris de le rehausser en pelletant des tonnes de sable sur la plage voisine. Pas sûr que la préfecture apprécie.

Sud Ouest - Pierre-Marie LEMAIRE - 10 octobre 2010


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