Le gouvernement face à l’aggravation de la mortalité sur les routes

Jacques Chirac en avait fait une priorité en 2002. Nicolas Sarkozy déclarait au début de son mandat vouloir poursuivre la lutte contre l’insécurité routière. Mais le nombre de morts sur les routes, qui a continué à baisser jusqu’en décembre 2010, est reparti à la hausse. En mars, 295 personnes sont mortes d’un accident de la route, un bilan qui s’est encore aggravé en avril, avec 355 morts (+ 20 % par rapport à avril 2010).

Selon un bilan intermédiaire de la Sécurité routière, 1 267 hommes, femmes et enfants ont trouvé la mort sur les routes depuis le début de l’année, contre 1 123 au cours des quatre premiers mois de 2010, soit une augmentation de 12,8 % en un an.

Ce sombre bilan est à contre-courant de la volonté politique affirmée par Nicolas Sarkozy en décembre 2007. Le nouveau locataire de l’Elysée avait alors un objectif ambitieux : "passer sous la barre des 3 000 morts d’ici à 2012." Trois ans plus tard, le compte n’y est pas. Pire, depuis 2011, il s’éloigne de l’objectif initial.

"L’aggravation de la mortalité sur les routes françaises est due au total désintérêt du gouvernement, depuis 2007, pour les questions de sécurité routière. Il faut mettre fin à l’immobilisme du gouvernement", estime Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. L’association ne désespère toutefois pas d’un regain d’intérêt de l’exécutif pour le sujet : "Nous comptons sur la nomination de Claude Guéant au ministère de l’intérieur. Ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était ministre de l’intérieur, il connaît parfaitement ces dossiers et a toujours été un élément moteur sur ces thèmes", affirme Chantal Perrichon.

Devant ces mauvais chiffres, un comité interministériel de sécurité routière, qui devait initialement se tenir dans quelques semaines, a été convoqué en urgence par François Fillon, mercredi 11 mai à Matignon. "On va revoir tout ce qui était en préparation. Il pourrait y avoir des décisions", fait savoir l’entourage du premier ministre. Parmi ces décisions pourraient figurer l’arrivée d’un nouveau type de radars, le durcissement de l’usage des kits mains libres ou encore un contrôle accru des deux-roues.

Davantage de radars. La multiplication des radars sur les routes françaises ont sauvé 11 000 vies en France depuis 2002 selon un rapport de la Sécurité routière. L’installation de 2 800 radars fixes, mobiles ou aux feux rouges a contribué a faire baisser la vitesse de 10 % sur les routes françaises, "et chaque baisse de 1 % de la vitesse correspond à une baisse de 4 % de la mortalité", souligne la Ligue contre la violence routière. Parmi les mesures réclamées par les associations de prévention routière figure la mise en place de radars de troisième génération. Des appareils embarqués susceptibles de flasher les automobiles en excès de vitesse sans être repérés par les conducteurs. Il s’agit d’une réponse adaptée aux avertisseurs de radar de type Coyote. "Ces appareils sont attendus depuis 2006", témoigne Chantal Perrichon. "Ils devraient prochainement être mis en service", avance-t-elle.

Interdiction des avertisseurs. Outre le renforcement des moyens de contrôle, La Ligue contre la violence routière et la Prévention routière prônent l’interdiction des moyens aujourd’hui légaux de les déjouer. "Les réseaux d’automobilistes qui s’avertissent des positions des radars sont anti-sociaux. Leur usage affaiblit le contrôle et son rôle dissuasif, estime Chantal Perrichon. "Ils permettent aux automobilistes d’adopter, sans crainte de sanction, une conduite accidentogène", poursuit Bernard Pottier, président de la Prévention routière, cause "des excès de vitesse qui sont à l’origine des accidents les plus graves" souligne-t-il.

Les kits mains libres sur la sellette. L’usage du téléphone au volant pourrait également être davantage contrôlé. Kit mains libres ou pas, téléphoner au volant est dangereux. Selon le 7e baromètre annuel Axa Prévention sur les comportements des automobilistes, publié début avril, le "boom" des smartphones a modifié le comportement des conducteurs : en 2004, 90 % des automobilistes reconnaissaient qu’il était dangereux de téléphoner en conduisant ; ils ne sont plus que 78 % en 2011. Et dans la pratique, 34 % des conducteurs reconnaissent le faire, contre 18 % en 2004.

Un accident corporel de la route sur dix est associé à l’usage du téléphone portable en conduisant, selon un rapport rendu public le 6 mai par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). L’usage d’un kit mains libres étant autorisé en France, l’étude avance logiquement qu’il "pourrait convenir de faire évoluer la législation". Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, ne s’est pas prononcée sur ce point. Sollicitée par Le Monde.fr, Mme Merli n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Permis à points. Même si il est improbable que le gouvernement revienne sur un texte voté par la majorité en février 2011, les associations dénoncent le "mauvais message" lancé par le gouvernement lors de l’adoption de la loi Loppsi 2. La nouvelle loi allège significativement les contraintes du permis à points en réduisant à deux ans la durée de conduite sans infraction constatée que doit atteindre un conducteur pour retrouver l’intégralité de son capital de points au permis. Les infractions à un point, elles, sont amnistiées après six mois sans infraction, au lieu d’un an. "Le message que l’adoption de cette loi a relayé auprès du public est extrêmement nuisible", estime Bernard Pottier, car il éloignerait de l’esprit de l’automobiliste qu’une conduite accidentogène peut rapidement se traduire par la perte de son permis.

Deux-roues. D’autres pistes pourraient être préférées par le gouvernement, notamment un contrôle accru des deux-roues et l’interdiction de remontée de file , notamment à Paris et sur son périphérique. Un projet qui réduirait considérablement l’intérêt des deux-roues dans un trafic déjà très dense.

Eric Nunès LeMonde.FR - publié le 11 mai 2011


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