Crash de Yemenia : un rapport en trompe-l’oeil

Le rapport de 67 pages produit par la commission d’enquête comorienne après le crash du vol Yemenia 626 Sanaa-Moroni du 30 juin 2009, qui a causé la mort de 152 personnes, a toutes les apparences d’un rapport d’étape d’accident tel que le prévoient les règles de l’aviation civile internationale (OACI) pour favoriser la prévention et éviter que d’autres crashes comparables ne surviennent. Mais ce document, que Le Point.fr a pu consulter, est un trompe-l’oeil et ne contient rien qui puisse faire avancer réellement l’enquête. Cela désespère les familles des victimes, souvent originaires de Paris ou de Marseille, qui voient en même temps les actions en justice repoussées par Yemenia. "L’association constate que ce document, même provisoire, révèle de graves fautes de pilotage et des problèmes de maintenance, et engage lourdement la responsabilité de la compagnie Yemenia Airways", explique Ahmed Mohamed, président de l’association AFVCA qui réunit la plupart des familles de victimes. Mais les circonstances directes du crash ne sont pas évoquées.

La majorité du rapport technique est, en effet, consacrée à des événements qui n’ont pas d’incidence directe sur l’accident, comme la mise en route des moteurs à Sanaa à l’aide d’un groupe de parc pour fournir de l’air comprimé. Cela montre néanmoins que la maintenance de cet avion n’est pas la première préoccupation. Récemment, un commandant de bord de Yemenia a refusé de redécoller de Moroni, une plaque d’aluminium du fuselage menaçant de se détacher.

Limogeage d’un enquêteur

Dans le rapport que le BEA français réfute, on s’étend aussi sur la panne de deux feux lumineux d’approche en panne à Moroni, alors que le crash de l’Airbus A310 s’est produit en mer à 18 km de l’aéroport et qu’il n’y a pas eu d’interférence avec le relief. On peut toutefois sentir dans le dialogue des pilotes avec le contrôle aérien que l’équipage est préoccupé par le vent de 33 noeuds (60 km/h) qui souffle au sol. Au point d’en avoir oublié le pilotage basique de l’avion, comme l’a montré l’enregistreur des données de vol lu au BEA au Bourget que ne produit pas le rapport comorien. Cet enregistreur a été relu par le NTSB américain, qui arrive aux mêmes conclusions.

Un premier enquêteur comorien, qui avait laissé entendre que l’équipage de Yemenia avait perdu le contrôle de l’avion, a été limogé. Il a été remplacé par un prestataire aéroportuaire de Moroni qui a Yemenia pour client... La compagnie yéménite a d’ailleurs demandé une relecture des enregistreurs de vol par un laboratoire indien ou égyptien pour mettre en avant une éventuelle explosion ou un incendie de l’appareil exonérant la responsabilité du transporteur. Ces hypothèses ne sont corroborées par aucun des débris de l’épave qui ont été remontés.

Le Point - Thierry Vigoureux - 4 juillet 2011


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