Crash du Fokker : le pilote risque d’être suspendu à vie

« On vient signifier au pilote Jean-Jacques Bertrand sa mort civile ». Me Roland Rapaport fustige avec fougue la sévérité des réquisitions du ministère public. Pour l’avocat, il faut replacer dans le contexte de l’évolution de la règlementation, l’erreur d’appréciation de l’ancien commandant de bord qui n’a pas eu recours au dégivrage des ailes du Fokker avant le décollage. Un an de prison avec sursis et l’interdiction définitive d’exercer la profession de pilote ont été réclamés contre lui et 20.000 € d’amende contre Régional, filiale d’Air-France. Délibéré le 2 janvier prochain.

Les condamnations requises sont assorties au passage de contraventions allant pour le pilote de 150 à 1500€, selon la gravité des blessures des passagers, montants doublés pour la compagnie aérienne.

La vice-procureure, Stéphanie Paguenaud, ne réfute pas avoir la main lourde. Mais elle ne veut pas pour autant « exprimer une particulière sévérité, sans modérer le quantum de la peine ». En raison de la réactivité du pilote qui, ce matin du 25 janvier 2007 sur l’aéroport de Pau, a sauvé les passagers et l’équipage d’une mort certaine pour les uns.

Mais qui, à son sens a plutôt « récupéré une situation catastrophique qu’il a lui-même provoquée ». Pour la magistrate, le pilote était « trop sûr de lui ». Elle retient à son encontre « une indiscipline par rapport à ses obligations professionnelles ». Voire, à tout le moins « une faute de négligence ». Après son jeune confrère Julien Marco, écartant la fatalité du drame, Me Thierry Sagardoytho, avocat de la famille de Michel Coupeau, a proposé la même analyse que le parquet : « Ce n’est pas l’inexpérience, le destin mais l’habitude qui a tué ». En ajoutant : « La victime a payé le tribut de son inconséquence ».

Du côté de la défense, on s’emploie à plaider la relaxe : « Le métier est le plus exposé à la sanction humaine » fait observer d’un vague air désabusé l’avocat parisien Me Jean Chevrier. Sa cliente, Régional CAE, « n’a jamais imposé aux pilotes un usage restreint du dégivrage » assène-t-il. L’avocat de l’ancien commandant de bord, rétrogradé au rang de co-pilote depuis l’accident, précise quant à lui qu’après le crash de Pau, des systèmes automatiques de dégivrage ont été placés sur les appareils. La procédure est devenue systématique. Et la formation des navigants, jugée insuffisante jusque là, a également évolué, grâce au Bureau Etudes et Analyses. Alors, à quoi bon, s’insurge Me Rapaport, faire porter sur son client « une responsabilité trop lourde pour un homme seul ». En clair, si les recommandations avaient été plus rigoureuses, le pilote Bertrand n’aurait pas commis l’erreur qu’on lui reproche. CQFD.


===> L’ex-commandant sur la tombe de la victime

Le pilote, Jean-Jacques Bertrand, s’est rendu sur la tombe du malheureux camionneur tué dans le crash du Fokker. C’est ce qu’a révélé mezza voce son avocat à l’issue de sa plaidoirie au président du tribunal. Dans la matinée, l’ex commandant de bord et le co-pilote de l’appareil accidenté, Pierre-Alain Trocci, mis hors de cause, ont reproché à la compagnie Régional CAE de leur avoir déconseillé à l’époque de prendre contact avec les proches du défunt. Le frère de la victime, évoquant à la barre le traumatisme durable infligé à la famille, a regretté l’absence de soutien dont celle-ci a souffert profondément après le deuil. Ainsi que le manque d’information sur l’enquête en raison de la saisine tardive du juge d’instruction. « La famille n’attend d’indemnisation que le prix de la vérité » a souligné son avocat Me Thierry Sagardoytho.

Du côté des passagers parties civiles, le souvenir de l’accident est toujours présent cinq ans après. « Aucun n’en est sorti indemne » a martelé Me Yves Darmendrail. Quelques uns sont venus témoigner des meurtrissures psychologiques, physiques et du préjudice moral endurés depuis le crash. En demandant des réparations allant de 8 à 15.000€. Parmi eux, un retraité de France Télécom s’est étonné de ne pas voir sous le coup de la prévention l’aéroport de Pau, dont selon lui « la piste d’envol est dangereuse parce que trop courte », ainsi que « les décideurs de la création de la départementale » qui vient en prolongement de cette dernière. Une dame qui opèrait dans une ONG au Cambodge a dit qu’elle ne pouvait plus monter dans un avion et qu’elle était devenue claustrophobe.

D’autres, encore, ont salué le courage et le réflexe intuitif du pilote qui, à leurs yeux, a sauvé la vie des cinquante passagers et du personnel navigant.

Jacques CAUBET, la République des Pyrénées le 9 novembre 2011


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