TERRORISME : COUACS EN SERIE AU PROCES DES ATTENTATS DE BRUXELLES

Depuis l’ouverture du procès des attentats de Bruxelles, la cour a dû faire face à de nombreux couacs.
Ce mercredi, la présidente a pris la décision de décaler les auditions des accusés car une procédure judiciaire sur les transferts est actuellement en cours.

Le procès est prévu pour durer jusqu’à l’été.

Cela devait constituer l’un des premiers moments forts du procès des attentats de Bruxelles. Alors que les auditions des neuf hommes soupçonnés d’avoir participé de près ou de loin à ces attaques suicides en mars 2016 devaient débuter ce mercredi, la présidente de la cour d’assises a finalement annoncé leur report. Celles-ci devraient désormais se tenir à la fin du mois de janvier. Un agenda chamboulé à cause d’une procédure judiciaire intentée par six accusés contre les conditions de leurs transferts entre la prison et la salle d’audience. Tant que celle-ci n’est pas réglée – une audience doit se tenir vendredi devant le juge des référés – ils refusent de participer au procès.

Depuis l’ouverture du procès, les couacs sont quasiment quotidiens, prenant le pas sur le fond du dossier. Il y a d’abord eu ce faux départ, à la mi-septembre. A quelques jours de l’ouverture du procès, la cour a donné raison à la défense qui estimait que le box des accusés, entièrement vitré, allait à l’encontre du droit européen en limitant la possibilité pour les mis en cause de s’entretenir avec leurs avocats. Résultat : l’ouverture du procès a été décalée de deux mois, le temps pour le ministère de la Justice belge d’abattre les cloisons. On aurait pu croire que ce contretemps serait le seul, il est en fait le premier d’une série depuis la reprise, le 5 décembre. La première semaine, par exemple, cinq des 36 jurés se sont fait porter pâle, laissant planer la crainte d’une épidémie qui pourrait entraîner une suspension du procès.

« Tout est fait pour nous humilier »

Surtout, il y a eu cette question du transfert des accusés qui est peu à peu devenue centrale. Dès le premier jour, Mohamed Abrini a dénoncé des « humiliations ». « On nous bande les yeux et on nous met de la musique satanique dans les oreilles », détaille-t-il. A ses côtés dans le box, Ali El Addad Asufi abonde. « Ça fait six ans et demi que j’attends ce procès, je veux m’expliquer, mais ce n’est pas possible. Tout est fait pour nous humilier et nous briser psychologiquement. » Son avocat évoque devant la cour des fouilles à nu, des génuflexions, des privations sensorielles lors des déplacements, notamment le port de lunettes occultantes et d’un casque avec de la musique à plein volume.

Le quatrième jour, la tension est encore montée d’un cran. Ce jour-là, Ali El Haddad Asufi apparaît mal en point dans le box. Dès l’ouverture de l’audience, son conseil explique qu’à la sortie de sa cellule, son client « a été étranglé si violemment qu’il en a perdu connaissance ». Et d’insister, hors-de-lui : « Je n’ai jamais assisté à un procès dans de telles conditions. » L’audience est suspendue le temps qu’un médecin examine le mis en cause. Dans son rapport, il note des blessures au niveau des cervicales, cohérentes avec la clé de bras que le détenu affirme avoir subi. « Il dit avoir été traîné au sol, il y a des abrasions sur le genou et une légère bosse à l’arrière de la tête », ajoute le praticien dans son rapport. La police fédérale a, de son côté, rédigé un PV pour rébellion. Une plainte a été déposée et une enquête est actuellement menée en parallèle.

« Les avocats de la défense mettent beaucoup en avant le procès des attentats du 13-Novembre à Paris, note Arthur Sente, journaliste pour le quotidien belge Le Soir, qui suit les audiences. Ils insistent sur l’excellent cadre dans lequel s’est déroulé ce procès qui a favorisé à la participation active d’une partie des accusés. » La cellule ayant perpétré les attentats de Paris et Saint-Denis et ceux du métro bruxellois et de l’aéroport de Zaventem étant la même, six des accusés ont déjà comparu en France. A commencer par Salah Abdeslam et Mohamed Abrini. Le témoignage de ce dernier, surnommé « l’homme au chapeau » et filmé renonçant au dernier moment à se faire exploser à l’aéroport, est particulièrement attendu. Au procès du 13-Novembre, pour lequel il a été condamné à 10 ans de réclusion, il a livré sa vérité, acceptant la majorité du temps de jouer le « jeu » judiciaire.

L’agilité de la cour saluée

Or, lundi, il a fait savoir par la voix de ses avocats qu’il ne répondrait pas à la cour tant que la question des transferts ne serait pas tranchée. Les autres accusés ayant pris part à l’action judiciaire ont adopté la même position. S’il est évidemment impossible de savoir quelle sera la décision du juge des référés et si celle-ci aura un impact sur le comportement des accusés, tous les observateurs saluent l’agilité de la présidente de la cour d’assises : du jour au lendemain, elle a bouleversé son planning – ce sont désormais les enquêteurs qui sont attendus à la barre – dans l’espoir que les mis en cause collaborent ultérieurement. « La présidente a pris toutes les mesures nécessaires pour la bonne administration de ce procès », estime Marion Roby, coordinatrice de l’association de victimes Life4Bruxelles. Et d’insister : « Nous avons une entière confiance dans les institutions de ce pays. »

Si la cour a été confrontée à bien des problèmes, il est néanmoins bien trop tôt pour porter un jugement définitif sur le déroulé des audiences : le procès est en effet prévu pour durer jusqu’à l’été. « Il peut y avoir une frustration de voir le procès ralenti et les incidents de procédure se répéter, mais il est bien trop tôt pour parler d’échec. Rien n’indique à l’heure actuelle quelle orientation prendra le procès », estime Arthur Sente. Et de rappeler que le procès des attentats du 13-Novembre à lui aussi connu des aléas et a été suspendu plusieurs semaines pour des cas de Covid-19 chez les accusés. « Peut-être que d’un point de vue français, les débuts peuvent paraître très compliqués, mais on oublie que faire des compromis, se retrouver autour d’une table pour trouver des solutions est inhérent à notre histoire et notre système politique », conclut la coordinatrice de l’association de victimes Life4Bruxelles.

Crédit photos : Article rédigé et publié par 20minutes

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