L’afflux de jihadistes français vers la Syrie, dont une douzaine de mineurs partis ou en transit, inquiète sérieusement l’Intérieur, qui voit dans ce phénomène « jamais égalé », « le plus grand danger auquel nous devons faire face dans les prochaines années ».
« Le phénomène m’inquiète, le mot est faible », a déclaré hier Manuel Valls. « Il représente pour moi le plus grand danger auquel nous devons faire face dans les prochaines années », a affirmé le ministre de l’Intérieur, concédant que « nous, Français et Européens, pouvons être dépassés par ce phénomène, vu l’ampleur ».
Alors qu’on ne compte qu’une poignée de Français ou résidents français dans les rangs jihadistes en Afghanistan, au Mali ou en Somalie, les services français en recensent près de 700, plus ou moins impliqués, dans le conflit en Syrie, a souligné le ministre.
Près de 250 français ou personnes résidant en France y combattent, une centaine sont en transit pour s’y rendre, 150 ont manifesté leur volonté de s’y rendre et 76 en sont revenus. Vingt-et-un y sont morts.
Ces dernières semaines, le phénomène « s’est accéléré » et une douzaine de mineurs se sont rendus en Syrie ou ont voulu s’y rendre a précisé Manuel Valls. Parmi eux, « six mineurs, qui ont manifesté la volonté de s’y rendre », ont été recensés.
Révélé en exclusivité par La Dépêche du Midi, le départ des deux mineurs toulousains, dont le père de l’un d’entre eux décrivait le « lavage de cerveau » dont a été victime son fils de 15 ans parti avec un camarade de lycée faire la guerre en Syrie, a été évoqué par le ministre de l’Intérieur. Ces deux adolescents « ne sont peut-être pas en Syrie, sans doute en Turquie. Nous agissons en lien avec la famille pour pouvoir les récupérer », a affirmé M. Valls.
Le retour de ces jihadistes « particulièrement délicat »
Pour lui, ces deux jeunes ont été « radicalisés ». Interrogé sur une filière de recrutement toulousaine, en référence à l’affaire Merah, Manuel Valls a affirmé qu’il n’y a pas de spécificité régionale » mais des « agents recruteurs en Midi-Pyrénées ». Toutefois, « ce n’est pas dans les mosquées que ces recrutements s’organisent, c’est le plus souvent sur internet ».
Ces départs vers la Syrie peuvent s’expliquer, selon le ministre, par plusieurs facteurs : « On peut se rendre en Syrie relativement facilement, ensuite ce combat apparaissait juste puisque toutes les grandes puissances condamnaient les agissements du régime de Bachar El-Assad et puis parce qu’il y a sans doute un malaise dans une partie de la jeunesse ».
Toutefois, la France n’est pas la seule touchée. Les autorités belges ont été parmi les premières à publiquement s’inquiéter, début 2013, du départ vers la Syrie d’un nombre croissant de ses ressortissants, dont certains mineurs. « C’est un phénomène qui touche tous les pays d’Europe », a souligné Manuel Valls mais aussi « l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et bien sûr, avec une ampleur plus importante, les pays du Maghreb ». Un nombre croissant de jeunes Européens partent combattre en Syrie dans les rangs d’organisations proches d’Al-Qaïda et représentent un « potentiel dangereux » pour les pays de l’UE et leurs alliés, avaient averti en décembre à Bruxelles les ministres de l’Intérieur français et belge. Entre 1.500 et 2.000 jeunes Européens ont gagné la Syrie, selon les estimations citées par les deux ministres. Leur nombre était estimé à 600 en juin. « Au-delà du sort des hommes et des mineurs qui se rendent en Syrie, le danger pour nos propres intérêts, c’est le retour. Ces individus marquent leur volonté de combattre au sein d’organisations jihadistes. Le retour est particulièrement délicat », a déclaré M. Valls. Le ministre doit présenter prochainement une série de propositions pour faire face à ces radicalisations.
Reuters 21.01.2014 - La Dépêche du Midi, publié le 20.01.2014