TERRORISME, VICTIMES ET JUSTICE RESTAURATIVE I UNE POSSIBLE VOIE VERS L’APAISEMENT ?

Le 28 septembre 2020, la FENVAC participait au groupe de travail du RAN- VT ("Radicalisation Awareness Network - Victims of Terrorism", de la Commission Européenne) dédié aux victimes du terrorisme avec des représentants d’associations de victimes du terrorisme et des spécialistes du sujet.

Objectif de cette réunion à distance : la justice restaurative, et plus spécifiquement l’opportunité de rencontres entre détenus, auteurs d’infractions en lien avec le terrorisme, et des victimes d’actes de terrorisme.

A l’heure où la justice restaurative a déjà montré des effets vertueux pour certaines infractions de droit commun, des réflexions sont aujourd’hui menées pour étendre cette approche aux victimes du terrorisme.

Si la justice restaurative peut aider la victime à trouver un certain apaisement en surpassant son statut, elle peut aussi profiter au détenu, dans une logique de réhabilitation et de prévention de récidive. Toutefois, de telles rencontres doivent se tenir dans un cadre bien défini pour éviter tout écueil pouvant causer un nouveau traumatisme.

Quels sont les fondements d’une rencontre équilibrée victime / détenu ?

1/ La victime : évaluer ses besoins, ses attentes et son état d’esprit

La plupart des participants à la conférence était d’accord sur le fait que la victime doit avoir surmonté son traumatisme, ou à tout le moins être dans un processus de résilience "avancé" afin d’être en capacité de participer à de tels échanges. Il a également été mentionné que tant la victime que le détenu doivent être "stables" sur un plan émotionnel et sur le plan de leur personnalité.

La principale motivation de la victime doit être la prévention, et ne pas être dans une logique de confrontation avec le détenu ou d’attendre des réponses. La victime doit adopter une perspective de non-jugement.

Il est donc indispensable pour les personnes organisatrices de bien identifier l’état d’esprit de la victime, ses besoins, et ses attentes.

Une certaine interrogation se posait de savoir si les victimes devaient rencontrer le responsable de l’acte dont elles ont été victimes ou s’il fallait cantonner les rencontres à des détenus qui auraient commis des actes similaires pour lesquelles elles sont victimes.
La réponse n’a pas vraiment été tranchée, puisqu’elle dépend aussi des attentes et des besoins des victimes.
Il a toutefois été mis en avant qu’une telle rencontre devrait se faire à minima après le procès et que la victime ait déjà rencontré un auteur d’actes similaire au préalable.

2/ La rencontre : appréhender les différentes phases temporelles

La préparation en amont, en direct et en aval est la clé de la réussite de ces rencontres.

Ces rencontres doivent également être organisées par des facilitateurs expérimentés, qui seront également en charge de préparer et de suivre le détenu pendant les 3 phases.

Pendant la rencontre, créer un espace sécurisant parait indispensable, comprenant :
- la possibilité de faire une pause ;
- la possibilité pour les victimes de pouvoir se rendre dans une autre pièce dédiée si besoin ;
- un psychologue systématiquement présent, en plus des facilitateurs ;
- s’accorder avec le centre de détention sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de limite de temps : il est important de ne pas interrompre le dialogue

Il s’agit également d’instaurer un "debrief" de la victime avec les facilitateurs et un psychologue après la rencontre et de continuer d’accompagner la victime dans les mois qui suivent.

3/ Le centre de détention : acteur central de la rencontre

Le centre de détention joue également un rôle important, en ce qu’il peut guider les équipes et les facilitateurs vers les détenus qui seraient le plus à même de vouloir/pouvoir participer.

Les personnes organisatrices doivent également bien identifier le cadre carcéral et les détenus, et notamment se poser des questions telles que :
- le détenu a-t-il déjà été condamné ou est-il en détention provisoire ?
- Le centre de détention est-il un milieu carcéral complètement fermé ou plus ou moins à milieu ouvert ?
- S’agit-il au contraire d’une prison sous haute sécurité ?

Délimiter et bien identifier le cadre carcéral en amont parait donc primordial.

Les personnes organisatrices doivent avoir un dialogue fluide avec l’établissement pénitentiaire et bien leur exposer leur projet et en quoi il consiste, les prisons étant bien souvent réticentes à laisser entrer des civils.

4/ Eviter les pièges inhérents à l’exercice

Certains détenus peuvent vouloir utiliser la Taqiya, pratique consistant dans certaines branches de l’Islam à dissimuler ou à nier sa foi pour éviter la persécution. Elle est très souvent utilisée par les djihadistes afin de ne pas exposer leur idéologie radicale. Il est souvent difficile pour les parties tierces (juges ; personnel de prison ; psychologues etc.) de déterminer si la personne est vraiment une "repentie" ou si elle pratique la Taqiya.

La protection des victimes doit être au centre des préoccupations. C’est pourquoi certaines mesures ont été évoquées afin d’éviter :
- qu’une victime ne se retrouve seule face au détenu, et ainsi amoindrir le risque que ce dernier la considère comme une ennemie. La participation de deux victimes au minimum par rencontre est préconisée.
- le syndrome de Stockholm et des liens émotionnels trop importants que la victime pourrait développer envers le détenu

5/ La lutte contre la radicalisation en prison

Lors de cette visioconférence, la question plus large du traitement des détenus radicalisés en prison s’est naturellement posée.
Quels sont aujourd’hui les moyens que les prisons peuvent mettre à disposition de cette population pour promouvoir la réhabilitation et la prévention de la récidive ?
Au-delà d’initiatives sporadiques et ponctuelles qui pourraient être proposées par les établissements pénitentiaires, ce sujet de société est intrinsèquement lié à la politique pénale du moment, qui ne peut être que pleinement insufflé par les lignes directrices gouvernementales.
Si la participation de victimes dans des ateliers de réhabilitation en prison de personnes radicalisées est perçue comme une bonne initiative, encore faut-il une réelle volonté étatique de lutter contre ce fléau.
Des participants ont noté que le traitement actuel des terroristes, en tout cas en Grande-Bretagne, ne pouvait pas favoriser leur réhabilitation, notamment par les politiques systématiques de mise à l’isolement sur de nombreuses années.

En tant qu’association de victimes du terrorisme, la FENVAC appréhende progressivement le sujet de la prévention de la radicalisation. Pas à pas, ses membres s’interrogent, s’intéressent et se cultivent sur le sujet pour définir une position claire de la Fédération sur le sujet qui soit la plus éclairée possible.

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