Vol MH370 : quatre ans après, le deuil impossible de Ghyslain Wattrelos

Perdue, la trace de l’avion. Perdus, l’épouse et deux enfants. Perdu, le sommeil. Quatre ans après la disparition des radars du vol MH370 de la Malaysia Airlines, Ghyslain Wattrelos ne sait « toujours pas ce que c’est que le deuil ».

« Pas de preuve, pas de crash, pas de corps », écrit dans son livre « Vol MH370, une vie détournée » (Flammarion) celui qui a perdu son épouse, sa fille, son fils et la petite amie de celui-ci dans l’une des plus grandes énigmes de l’histoire de l’aviation.

Le 8 mars 2014, 239 personnes ont disparu après avoir décollé de Kuala Lumpur à bord d’un Boeing en direction de Pékin.

Le père de famille de 53 ans, qui n’a plus que son fils aîné Alexandre, n’a qu’un mot à la bouche : le « combat » pour « savoir ce qui est arrivé ».

« C’est un combat que je vais gagner, parce que je suis persuadé qu’il y a des tas de gens qui savent quelque chose. Un jour, il y a quelqu’un qui va parler ». « Ce combat, il ne m’aide pas à me reconstruire », ajoute-t-il pourtant.

Jusqu’à ce qu’un fragment d’aile soit retrouvé en juillet 2015 sur l’île de La Réunion, Ghyslain Wattrelos a gardé espoir.

Depuis, une vingtaine de débris retrouvés sur des littoraux dans l’ouest de l’océan Indien, loin de la zone de recherches, ont été identifiés comme provenant « probablement ou certainement » de l’appareil.

Une société privée a repris début janvier les recherches pour retrouver le MH370, dans une nouvelle zone d’environ 25.000 kilomètres carrés.

Des SMS aux disparus

« Je ne sais pas ce que ça veut dire +faire son deuil+ parce que pour moi, ils sont toujours là ». A lui qui voudrait un lieu où se recueillir, « une place dans un cimetière », on répond « Monsieur, vous n’avez pas de corps ».

Alors le père, le mari, envoie des SMS à sa femme Laurence et à ses enfants Hadrien et Ambre : « C’est ma manière de communiquer avec eux. Régulièrement j’envoie un texto en disant +voilà ce que j’ai fait, je pense à vous, des choses comme ça+ ».

Voix de radio et élégance sobre, ce quinquagénaire enchaîne les apparitions médiatiques dans l’espoir de « faire parler les gens qui savent ».

Il ne « supporte pas quand on [le] traite de complotiste », « c’est tellement évident qu’il y a eu une omerta, que des gens savent, qu’on nous cache, qu’on nous manipule ». Dans son livre, il dit s’en être tenu aux faits, sans exposer « ses théories ».

D’après lui, l’avion, dont on sait qu’il a volé au moins une heure, est « tombé » à l’endroit où il a été détecté la dernière fois, « soit parce qu’il est abattu volontairement - il y a quelque chose ou quelqu’un dans l’avion qui ne doit pas arriver à Pékin - soit parce qu’il y a une bavure militaire. En tout cas, ce n’est pas un accident ».

Zombie

Son avocate, Me Marie Dosé loue sa « belle obstination »,« bluffée » par son client qui reconnaît avoir « vécu dans un monde un peu irréel pendant quatre ans ».

« Tous ces gens bizarres qui m’ont contacté, j’étais inondé d’emails », harcelé par des internautes, experts improvisés ou confirmés, qui lui affirmaient savoir où était l’avion, détenir des informations confidentielles.

« Un de mes plus gros soucis, c’est que je ne dors plus. Faudrait qu’un jour je retrouve le sommeil », dit-il. Une quête de plus.

En attendant, l’ancien cadre de Lafarge, qui a démissionné en septembre 2016, cherche un emploi. Un nouvel élan, peut-être à l’étranger dans le « green business ».

Marre « d’être le zombie qui a perdu sa famille ». Le père veut montrer à son fils de 25 ans, « que la vie continue, qu’elle est belle ». Mais « le deuil de la vérité, il n’est pas question que j’y arrive », prévient-il.

Source : Libération
Auteur : AFP
Date : 05/03/2018

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